Ce dimanche 4 octobre s’est ouverte, à Rome, la « 14e assemblée générale ordinaire du synode des évêques », consacrée à la famille. Pendant trois semaines, les évêques présents, ainsi que quelques laïcs et observateurs, se pencheront sur les défis et la mission de la famille contemporaine.
Après une année presque complète de préparation, jalonnée par un questionnaire envoyé à toutes les conférences épiscopales du monde, la compilation et la synthèse de milliers de réponses et de réflexions émanant de toutes les couches de l’Eglise, la rédaction de l’instrumentum laboris, qui servira de base de travail aux pères synodaux, nous y sommes enfin. Ce deuxième synode consacré à la famille était, en effet, attendu avec impatience, non seulement par les fidèles de l’Eglise catholique, mais également par toutes celles et ceux qui guettent la parole de l’Eglise sur un sujet qui touche chacune et chacun, quelle que soit sa situation familiale concrète, quelle que soit sa culture, quelles que soient ses convictions.
Un synode exceptionnel
Lors de la célébration d’ouverture, dimanche matin, le pape François a exprimé, dans son homélie, ce qui est le cœur de la conviction de l’Eglise au sujet de la famille: « le rêve de Dieu » pour l’humanité se réalise dans « l’union d’amour entre l’homme et la femme », dans « l’unité et l’indissolubilité » du mariage.
Cette semaine, les évêques présents, issus de tous les continents, mais également 17 couples et des observateurs envoyés par d’autres Eglises chrétiennes, se sont mis au travail. Le thème de cette rencontre exceptionnelle: « La vocation et la mission de la famille dans l’Eglise et dans le monde contemporain ».
Exceptionnel, ce synode l’est à plus d’un titre. Sur la forme, d’abord. Le synode de l’année dernière a inauguré un nouveau type de collégialité dans l’Eglise, ainsi qu’une participation plus importante des fidèles sur un thème qui les concerne au premier chef. Le pape François a en effet voulu que le synode de 2014, qui se prolonge dans celui de 2015, soit un lieu où des décisions importantes puissent voir le jour, à la suite d’un long processus de réflexion et de maturation.
Même si, d’après le droit canonique, le synode est un organe « consultatif », les évêques seront co-décideurs des conclusions qui seront formulées au terme de cette assemblée, le 25 octobre prochain. Reste à savoir ce que le pape fera des orientations qui vont être prises au cours des travaux: va-t-il les confirmer, dans une exhortation post-synodale, ou va-t-il imprimer sa marque propre sur certaines questions davantage sujettes à controverse? D’ailleurs, le synode parviendra-t-il à un concessus sur toutes les questions abordées, ou certaines décisions n’obtiendront-elles pas la majorité suffisante, traditionnellement fixée aux deux tiers des voix?
Sur le contenu, ensuite, cette assemblée synodale s’annonce également exceptionnelle, car elle traite d’une réalité qui se trouve au cœur de la vie et de la foi des chrétiens. Pour l’Eglise, la famille, telle qu’elle est comprise à partir du sacrement du mariage – comme le pape l’a, à sa manière, rappelé dans son homélie ce dimanche –, fait essentiellement partie du projet de Dieu pour l’humanité. En ce sens, l’être humain est appelé à se réaliser à travers la vie de famille, même si celle-ci n’épuise pas tous les aspects de la vocation humaine. Mais la famille est aussi souvent, aujourd’hui, le lieu où se vivent de profondes blessures et des échecs douloureux.
Des attentes diverses
Ce sont ces deux aspects qui feront l’objet des discussions lors du synode: la famille en tant que vocation humaine fondamentale, et comme mission pour les chrétiens, et la façon dont l’Eglise doit accueillir les situations douloureuses, qui peuvent différer fortement d’une région à l’autre du monde: difficultés économiques des familles, migration, exploitation des femmes et des enfants, avortements, solitude des personnes âgées, etc.
Parmi ces situations douloureuses figure la question épineuse des fidèles qui, d’une manière ou d’une autre, ne vivent pas selon l’enseignement de l’Eglise relatif au mariage et à la famille. En Afrique, par exemple, les problèmes soulevés par la polygamie sont importants. En Occident, c’est la question de l’accès à la commuion des divorcés remariés qui est particulièrement sensible, tout comme celle des unions de personnes de même sexe, et de leur accueil au sein de l’Eglise.
Par ailleurs, on peut affirmer sans crainte de se tromper que l’on ne touchera pas aux « fondamentaux » de l’enseignement de l’Eglise sur la famille, considérés comme faisant partie du projet de Dieu pour l’humanité. Cela étant, la question est de savoir si les Pères synodaux adopteront une logique du « tout ou rien », ou s’il trouveront des voies pastorales nouvelles pour que chaque personne, chaque couple, quelles que soient leur situation concrète, puissent être rejoints concrètement par la grâce de l’Evangile. Nous nous contenterons de soulever deux questions à ce propos, sans présager de la façon dont le synode y répondra. Faut-il vivre en parfaite communion avec le Christ et son enseignement pour accéder à l’eucharistie, ou celle-ci est-elle un moyen que le Christ nous a donné pour grandir dans la communion avec lui? Une forme d’amour humain qui ne parvient pas à vivre l’union entre un homme et une femme dans le mariage, mais qui se vit dans une relation homosexuelle stable, est-elle nécessairement, du point de vue de la foi chrétienne, dénuée de toute valeur?
Christophe HERINCKX
(Fondation Saint-Paul)
Photo: ©Donatella Giagnori / EIDON/MAXPPP
Légende photo: Des évêques arrivent à une session de travail lors du synode de la famille en 2014.