Les files s’allongent devant l’Office des étrangers à Bruxelles, et des campements s’improvisent dans les parcs à proximité du bâtiment. Pour autant, les dossiers des demandeurs d’asile ne seront pas plus rapidement traités. Du coup, des initiatives citoyennes fleurissent ici et là pour venir en aide à ces réfugiés.
Bien qu’un record ait été battu en matière de demande d’asile (4590 dossiers pour le seul mois d’août), l’administration ne change pas de fonctionnement. Aucune procédure d’enregistrement basique n’a donc été mise en place. Cette procédure permettrait d’accélérer le processus et de traiter davantage que 250 dossiers par jour comme c’est le cas actuellement. Mais le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, Theo Francken, ne veut pas en entendre parler. «L’enregistrement, l’identification, la prise des empreintes digitales, cela doit être réalisé correctement » a-t-il déclaré sur Radio Een, en expliquant également que le pays était confronté à ses limites pour créer rapidement de nouvelles places d’accueil.
Pas de statut spécifique
Mais pas question non plus de créer un statut spécifique pour ces migrants, et de réduire leurs droits comme le demande Bart de Wever. Theo Francken a fait valoir que ce serait illégal aux yeux de l’Union européenne.
De même, il a rappelé qu’aucun travail obligatoire ne serait imposé aux demandeurs d’asile. Une mise au point utile alors que le président du CPAS de Maarkedal en Flandre orientale, avait affirmé mardi à la presse néerlandophone qu’il allait insister auprès des demandeurs d’asile prochainement hébergés dans sa commune pour qu’en échange, ils s’engagent quelques heures par jour à nettoyer les rues de la ville, à faire du jardinage public, ou bien encore à aider dans les maisons de repos. Au cabinet de Theo Francken, on explique qu’il n’est pas question de rendre le travail obligatoire. Cependant, ces travaux seront « recommandés pour augmenter les chances d’intégration et ensuite d’accès au marché du travail. »
Initiative citoyenne
Quoi qu’il en soit, en plus de l’action de la Croix-Rouge, d’autres ONG et de la ville de Bruxelles, l’aide à ces demandeurs d’asile s’organise peu à peu sur les réseaux sociaux, où les initiatives citoyennes se multiplient depuis le début de la semaine. Le réseau ADES a ainsi lancé une grande récolte pour les réfugiés, du 1er au 5 septembre, dans leurs locaux à Saint-Josse. Ces migrants, en grande majorité des hommes, ont surtout besoin de produits d’hygiène, de sacs de couchage, de couvertures, de tentes, d’alimentation « facile à manger » et non périssable, de rasoirs jetables, de chaussures et de vêtements mais aussi de lampes de poche ou de cartes de GSM prépayées. Et sur la page Facebook « Bruxelles Solidaire », un calendrier des dates de distribution de nourriture aux réfugiés de la chaussée d’Anvers est mis à jour par diverses associations.
P.G.
Le témoignage de Roland Francart
Roland Francart, frère jésuite à Bruxelles, s’étonne des conditions dans lesquelles sont laissés ces demandeurs d’asile alors que, juste à côté, des bâtiments sont vides. Il nous a livré son témoignage.
« Ce mardi 1er septembre 2015, j’ai été poussé à m’aventurer du côté de la Gare du Nord de Bruxelles vers la Tour WTC II, 59 B (ou plutôt 57) de la chaussée d’Anvers. Il était 9.30 h. Pas de file devant l’Office des Etrangers. Quelques personnes couchées sur le trottoir (des Syriens ?), quelques tentes de toutes les couleurs, des hommes qui font la file à la porte de la seule toilette publique. J’interroge un africain : « Vous parlez français ? », « Oui je suis du Congo (RDC), je suis arrivé hier, je passerai après-demain pour m’inscrire comme demandeur d’asile. Je suis journaliste ». J’aurai pu lui donner mon imper pour la pluie, un sandwiche à manger, mais je ne savais que faire ou que dire. Dans ma communauté il aurait pu rencontrer des Congolais durant ces deux jours d’attente. Je ne lui ai même pas demandé son nom. Il m’a dit qu’à 8 h du matin, il y avait beaucoup de monde. L’office n’est ouvert que de 9 à 12 h, du lundi au vendredi. C’est pourquoi la presse parlait de 1000 demandeurs d’asile lundi matin devant l’Office des Etrangers (« du jamais vu à Bruxelles »). J’ai fait le tour du bloc, et je suis entré dans le WTC I Bd Emile Jacqmain. Hall de marbre, escalator jusqu’au 1er étage, « shopping » et restaurant bon marché au 2ème étage, ascenseur jusqu’au 25ème étage. Rien, moquette au sol, bureaux vides. Idem au 21ème étage… Je n’ai pas continué mon investigation : il y a des salles et des couloirs pour dormir et s’installer. Pourquoi doivent-ils subir la pluie et le froid, et le manque de sanitaires, alors que là il y a tout ce qu’il faut et que c’est nickel. Personne ne m’a rien demandé, pourtant j’ai une barbe et les pieds nus dans des sandales bon marché ! En revenant par le Bd Simon Bolivar (quel révolutionnaire !), je suis passé devant l’église St Roch. Par la porte vitrée, j’ai aperçu une vingtaine de matelas de familles qui dormaient à l’intérieur de l’église. Chrétiens, musulmans ? Peu importe, on ne met pas le chapitre 25 de St Matthieu entre parenthèses ! »
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