C’est sous la protection de policiers armés – en tenue tant qu’en civil – que le "Comité du Yom HaShoah" belge a commémorée jeudi soir l’anniversaire de l’Insurrection du ghetto de Varsovie et celui de l’Arrêt du 20ème convoi de déportés juifs de la Caserne Dossin à Auschwitz, action de trois résistants opéré à Boortmeerbeek.
Ces deux événements du 19 avril 1943 ont été choisis dès le milieu des années cinquante pour la « Journée du souvenir pour la Shoah et l’héroïsme » (en Hébreu : « Yom ha-zikaron laShoah vèlaGvoura »). Cette année, la commémoration avait lieu au Mémorial au martyrs juifs de Belgique à Anderlecht, hélas pour la première fois en l’absence Iso Zielonka, "l’architecte au propre comme au figuré" de ce Mémorial récemment entièrement renouvelé, décédé peu après la commémoration de l’année dernière, comme le rappelait avec émotion Claude Marinower, le Président du la Fondation du Mémorial aux martyrs juifs de Belgique.
Les noms de 24.036 Juifs
Sur les murs du Mémorial sont gravés les noms de 24.036 Juifs déportés de Belgique d’août 1942 à juillet 1944 vers les camps d'extermination et qui n’en sont pas revenus et les 245 résistants juifs morts pendant la Seconde Guerre mondiale. "Où pourrions-nous, mieux qu’ici, témoigner de notre souvenir indéfectible vis-à-vis des victimes qui n’avaient commis d’autre crime que d’exister, de vivre ?", demandait Claude Marinower. Pour la troisième année consécutive, dès la veille de la commémoration, les noms de toutes ces victimes ont été honorés par une lecture ininterrompue transmise par Radio Judaïca. Claude Marinower a cité Elie Wiesel – "Une justice sans mémoire est une justice incomplète, fausse et injuste ; l’oubli serait une injustice absolue, le triomphe définitif de l‘ennemi" - en se réjouissant de l’accord passé récemment entre la Caserne Dossin et tous les systèmes scolaires de Flandre et la en matière d’éducation de la Mémoire.
Des témoignages précieux
"D’année en année il y a moins de témoins directs, qui peuvent parler, raconter, confier aux générations suivantes leurs souvenirs, leurs mémoires", rappelait le Président Marinower. "Ces derniers témoins – comme également vous et moi - nous nous sommes vus confier une tâche sacrée : la mémoire, le souvenir. Notre mémoire est le seul endroit ou ceux qui ont disparus dans les ténèbres, les millions de morts sans sépultures aucune, peuvent nous rappeler continuellement notre tâche." En effet, des témoins direct comme l’ancien déporté juif Paul Sobol, qui a 89 ans interpelle encore toujours chaque auditeur avec son désespoir lardé d’humour, sont font de plus en plus rares. "Pourquoi moi, pourquoi suis-je revenu, pourquoi pas mes parents et mon frère cadet ?" Les questions de Paul Sobol demeureront sans doutes sans réponse à tout jamais, mais cela ne peut nous lasser ni de les écouter ni de les poser ou de les faire résonner.
Il est risqué d'être identifiable comme juif
Il est dès lors encourageant que des jeunes continuent à poser les bonnes questions. "Aujourd’hui l’antisémitisme est revenu, la parenthèse qui avait suivi la découverte des abominations de la Shoah s’est refermée", constatait Jonathan De Lathouwer de l’Union des Etudiants Juifs de Belgique (UEJB). "Aujourd’hui il est risqué, dans des quartiers populaires de nos villes, d’être identifiable comme juif, des cris de ‘mort aux Juifs’ sont scandés dans des manifestations publiques, des chaines satellitaires et interventions sur les réseaux sociaux sont violemment antisémites. Mais cela est plus ou moins avoué et plus ou moins dénoncé. Et puis il y cet autre antisémitisme qui se fait appeler ‘antisionisme’ mais qui fait bien plus que dénoncer un gouvernement ou une politique – ce qui est le droit légitime de chacun : ce néo-antisémitisme diabolise un pays et sa population et accuse collectivement tous les Juifs d’être responsables des reproches faits à ‘Israël’."
Benoit Lannoo
Photos:
- Les noms de 24.036 Juifs déportés de Belgique et non revenus sont gravés dans les murs du Mémorial à Anderlecht (c) UEJB
- Claude Marinower, Président de la Fondation du Mémorial aux martyrs juifs de Belgique - (c)UEJB
- Jonathan De Lathouwer, Président de l’Union des Etudiants Juifs de Belgique (UEJB) (c) UEJB