Le citoyen européen veut une législation ambitieuse pour éradiquer les minerais de conflits. Mais les votes enregistrés hier en commission « Commerce international » du Parlement européen ne vont pas dans ce sens. Tout espoir n’est cependant pas perdu.
Ces minerais de conflit se retrouvent dans nos ordinateurs, nos téléphones, nos voitures… Il s’agit par exemple du tungstène, de l’étain, de l’or. On les appelle aussi minerais de sang car l’exploitation et le commerce de ces ressources naturelles permettent, dans de nombreuses zones du monde, de financer des conflits armés aux conséquences dramatiques. C’est par exemple le cas à l’est de la République Démocratique du Congo depuis 15 ans. Mutilations, massacres, viols, esclavage et déplacements massifs y sont perpétrés à l’encontre des populations par des acteurs armés se finançant largement à partir des richesses du sous-sol.
La question qui se pose dès lors est d’ordre éthique : comment faire pression sur les entreprises européennes pour qu’elles s’assurent que les minerais qui interviennent dans la fabrication de leurs produits soient « propres » et non entachés de sang ?
Contraindre l’ensemble de la chaîne
Alertée par les citoyens européens, la Commission européenne a proposé en 2014 un texte de loi visant à assurer un approvisionnement responsable en minerais. L’objectif annoncé est de rompre le lien entre ressources naturelles et conflits. Malheureusement, ce texte se contente d’encourager les entreprises concernées de faire la lumière sur leurs chaînes d’approvisionnement. De plus, seuls quatre minerais (or, étain, tantale et tungstène) sont concernés alors que d’autres ressources naturelles contribuent à des exactions dans le monde, comme par exemple le cuivre, le jade et le rubis en Birmanie, mais aussi le charbon en Colombie ou encore le diamant au Zimbabwe et en Centrafrique. Enfin, le règlement limite sa portée à seulement 480 entreprises européennes. L’impact sur le terrain et donc sur les populations affectées risque d’être minime.
Hier, le Parlement européen a commencé à examiner ce texte qui était présenté en commission Commerce International (l’une des trois commissions parlementaires particulièrement mobilisées sur ce dossier avec celles des Affaires Etrangères et du Développement). Cette commission a légèrement durci le texte en imposant aux entreprises qui importent dans l’Union européenne les minerais susvisés de procéder à une analyse de leur chaîne d’approvisionnement et d’en publier le résultat. Mais ce caractère obligatoire ne concerne que les entreprises en haut de la chaîne, à savoir les fonderies et les raffineries. Or l’Union européenne importe une grande quantité de minerais déjà fondus ou raffinés et de produits élaborés (circuits électroniques, téléphones…) dans lesquels les minerais sont déjà présents… Les ONG revendiquent donc un système contraignant qui s’applique sur l’ensemble de la chaîne. Plus de cent-trente dignitaires de l’Église ont la même exigence, rapportée via l’organisation Justice et Paix. Cinquante d’entre eux ont d’ailleurs écrit aux députés européens pour le faire savoir. C’est en mai prochain, à l’occasion du vote en séance plénière, que l’on saura s’ils ont été entendus…
P.G. (avec Justice et Paix et Le Soir)