En Fédération Wallonie-Bruxelles, le nombre d’enfants scolarisés à domicile a augmenté de 40% en six ans. Un chiffre interpellant, qui pose question par rapport à l’opportunité d’un tel système. Mais qui se justifie pleinement dans certains cas de figure.
Ce nombre est passé de 538, pour l’année scolaire 2009-2010, à 878 pour l’année 2014-2015.
Bon nombre des enfants concernés par l’enseignement à domicile sont dans l’incapacité de fréquenter un établissement scolaire. Il s’agit par exemple de jeunes malades et/ou hospitalisés, d’enfants souffrant d’un handicap mental, ou encore d’enfants souffrant de troubles obsessionnels compulsifs.
De nombreux parents choisissent par ailleurs l’enseignement à domicile pour des raisons spirituelles et religieuses. Les parents qui optent pour l’enseignement à domicile ne doivent pas, pour le moment, justifier leur choix auprès des autorités. Mais la ministre de l’Enseignement, Joëlle Milquet (cdH) compte rapidement apporter des changements à cette situation. Elle estime en effet qu’ »un motif religieux ne peut en aucun cas motiver le fait de quitter l’école« .
L’enseignement à domicile, pourquoi?
S’il peut exister des situations justifiant pleinement cette formule de l’enseignement à domicile, comme par exemple la maladie ou le handicap d’un enfant, on peut légitimement se poser la question de l’opportunité d’une telle formule en termes d’éducation. L’enseignement qui est dispensé dans nos écoles, que celles-ci appartiennent au réseau officiel ou libre, est-il à ce point médiocre que certains parents préfèrent assurer eux-mêmes cet enseignement? Ou le milieu scolaire, tel qu’il est concrètement aujourd’hui, avec tout ce qu’il peut impliquer d’influence négative (supposée ou réelle), peut-il justifier que certains parents veuillent préserver leurs enfants d’un risque de « contamination » par les autres élèves, voire par le corps enseignant?
Les problèmes, certes, ne manquent pas: violence, harcèlement, mauvaise influence dans le chef de certains jeunes « caïds » – on le voit régulièrement dans les médias. Mais aussi, pour certains: non conformité de certaines valeurs transmises à l’école avec les convictions des parents, en terme d’éducation, mais aussi en termes de conviction philosophique ou religieuse.
Or, dans ce dernier cas de figure, est-il vraiment sain de vouloir préserver ses enfants de tout contact avec ce qui, à nos yeux de parents, ne correspond pas à ce que nous voulons leur transmettre en terme de valeurs, humaines, morales ou religieuses? Ne vaut-il pas mieux, en cas de conflit d’idées ou de valeurs avec un enseignant ou d’autres élèves, entrer dans un dialogue avec l’enfant pour lui faire prendre conscience, dès son plus jeune âge, qu’il peut exister de multiples visions de la vie et du monde? Quitte, au besoin, à « corriger le tir », ou du moins à faire valoir auprès nos enfants et de nos adolescents que telle ou telle idée, tel ou tel comportement ne nous semblent pas justes, ou appropriés. Ce qui, au demeurant, relève de notre devoir éducatif envers nos enfants.
Cette option comporte certes un risque. Celui de voir nos enfants et nos jeunes être confrontés à différents dangers et, une fois devenus plus âgés, prendre des options qui ne semblent pas conformes à ce que nous souhaitons pour eux. Mais ces risques ne sont-ils pas, tout simplement, inhérents à notre vie en société? Est-il sage, à l’inverse, de vouloir contrôler les moindres faits et gestes, voire les pensées intimes, de nos enfants? Ne vaut-il pas mieux les éduquer à la responsabilité, ce qui ne sera possible que si l’enfant est confronté à des éléments « hétérogènes »?
La question peut encore être posée autrement: le vivre ensemble, dans notre société, est-il possible si on ne vit pas, concrètement, ensemble?
Christophe Herinckx (avec Belga)
Photo: (c) Médias catholiques belges francophones