Quelque trois cent personnes d’origines très diverses ont participé jeudi soir à une veillée de solidarité avec les persécutés en Irak et en Syrie, organisée par le comité de citoyens « For the Voiceless », en l’église du Béguinage à Bruxelles.
Les crimes atroces commis contre les minorités chrétiennes, yézidis et musulmanes en Syrie et en Irak ont profondément touché un groupe de citoyens d’origines différentes confessionnelle et non confessionnelle, qui s’est constitué sous le nom « For the Voiceless ». Leur objectif: donner une voix aux milliers d’hommes, de femmes et d’enfants terrorisés, persécutés, voire assassinés actuellement au Moyen-Orient. Ensemble avec des associations de la société civile, ils se sont rassemblés sur la belle place du Béguinage à Bruxelles en faveur de la dignité humaine, la liberté de religion et de la paix.
« L’histoire plus que millénaire du vivre ensemble en Orient nous apprend que nos différences peuvent être surmontées et transformées en source d’enrichissement mutuel », a souligné Simon Najm, président du Comité de Soutien aux Chrétiens d’Orient. « En effet, plus nous nous mettons ensemble, plus nous rencontrons d’autres singularités et plus nous devenons humains », a déclaré de son côté Yolande Iliano, présidente de Religions for Peace – Europe. « Ceci est une occasion d’apprivoiser davantage la singularité de l’autre et de travailler ensemble pour le bien commun et contre la violence. »
Pas de Tour de Babel
Pour le pasteur Steven Fuite, président de l’Eglise Protestante Unie de Belgique, « c’est un mensonge flagrant de prétendre que la religion sème la discorde parmi les hommes ». Un sentiment partagé par les autres responsables religieux dont le ministre du culte israélite Bernard Job, qui a rappelé que « le Créateur offre le choix aux hommes de suivre ou non ses commandements ». Khalid Hajji, secrétaire général du Conseil européen des Oulémas marocains, a rappelé les sourates du Coran qui défendent la diversité des croyances: « Si ton Seigneur l’avait voulu, auraient cru tous ceux qui sont sur Terre sans exception. Est-ce donc toi qui pourrais contraindre les hommes jusqu’à ce qu’ils deviennent croyants? » Pareille conception dans la tradition chrétienne, a ajouté le Père Musa Yaramis de l’Eglise chaldéenne en Belgique, faisant référence à l’image de la Tour de Babel « quand Dieu a anéanti l’uniformité que l’homme lui-même voulait s’imposer. » L’abbé Jan Claes, ancien doyen s’exprimant au nom de l’Eglise catholique, a par ailleurs suggéré une certaine modestie dans la matière: « Accepter la différence, c’est toujours une épreuve pour chacun d’entre nous. »
Jeunes et femmes
Ce sont souvent les femmes qui sont les premières artisanes de la paix… L’Allemande Katharina von Schnurbein qui est à la base du comité « For the Voiceless »; la Néerlandaise Lauranne Staat de l’organisation bénévole « Serve the City »; Elisa Pataschnik, une juive fortement impliquée dans le dialogue judéo-chrétien; les jeunes Bahá’i Lily Samii et Rima Tüzün de la « European Syriac Union » en ont été autant d’exemples inspirants. Et les jeunes auront à porter ce message de paix et de collaboration à l’avenir. C’est pourquoi le témoignage d’espérance, et poignant, de Latif Yuzbashan, malgré la souffrance de son peuple Yézidi, a bouleversé les participants: « J’ai aussi entendu les histoires de ces musulmans, shiites et sunnites confondus, qui se sont efforcés de protéger des Yézidis en Irak. » Il est par ailleurs fondamental que l’Europe renforce ce mouvement de solidarité, a estimé enfin Louma Albik, présidente de Sb Overseas; l’association d’aide humanitaire aux sinistrés du Proche-Orient, car « le durcissement des politiques migratoires et le recul du droit d’asile contribue dramatiquement à l’augmentation du nombre de morts aux portes du Vieux Continent. » Après avoir écouté ces multiples témoignages, l’assemblée s’est terminée par une minute de silence en respect à toutes les personnes qui souffrent, en réflexion ou prière, suivie d’une veillée aux flambeaux sur le parvis de l’édifice religieux en chantant l’ »Hymne à la Joie » en quatre langues. Inspirée par une citation de Bonhoeffer, « il faut élever nos voix pour ceux qui ne peuvent pas le faire », d’où le nom « For the Voiceless », cette soirée a été le signe du réveil des consciences des nombreux citoyens et acteurs en Belgique qui ne veulent plus se taire vis-à-vis des cruautés commises. Une action pour en inspirer d’autres.
Benoît Lannoo
Photos: © Dani Oshi