Depuis dimanche, 800.000 personnes en provenance de 70 pays du monde entier participent jusqu’au 30 août à Rimini, sur le littoral adriatique, à la 35e édition du « Meeting pour l’Amitié entre les Peuples ». Depuis 1980, ce rassemblement organisé à l’initiative du mouvement ecclésial «Communion et Libération», transforme la station balnéaire italienne en centre mondial de la culture et des rencontres spirituelles.
Cette année, la manifestation comporte plus de 100 rencontres et tables rondes, 12 expositions, 23 spectacles, 17 rendez-vous sportifs et 3.500 m² d’espaces réservés aux enfants. Elle a pour thème «Vers les périphéries du monde et de l'existence. Le destin n’a pas laissé l’homme seul».
Cette grande manifestation attire pendant six jours des personnalités issues de tous les milieux: culturel, scientifique, religieux, politique, etc. En 1982, le pape Jean Paul II lui-même s’y était rendu. L’événement diffuse des valeurs chrétiennes, tant par son programme que par les interventions de ses participants.
Communiquer la permanente nouveauté du christianisme
Le thème du Meeting, «Vers les périphéries du monde et de l'existence», est cher au pape François depuis l’époque où il était archevêque de Buenos Aires. Le pape s’est d’ailleurs félicité de ce choix dans son message envoyé aux organisateurs de cette grande manifestation, via une lettre signée en son nom par le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège. Dans sa missive, le souverain pontife relève qu’«un monde en transformation rapide demande aux chrétiens d’être disposés à chercher des formes ou des moyens de communiquer avec un langage compréhensible la permanente nouveauté du christianisme». François invite chacun à «ne jamais perdre le contact avec la réalité» et à «tenir toujours le regard fixé sur l’essentiel». Dans ce texte, le cardinal Pietro Parolin rappelle, au nom du pape argentin, que les périphéries ne sont pas seulement des lieux, mais aussi et surtout des personnes: «Elles ne sont pas seulement géographiques, elles sont aussi existentielles. L’Eglise doit sortir si elle veut être évangélique!»
«Le Seigneur nous libère de la peur»
Le thème du Meeting comporte aussi une 2e partie: «Le Seigneur ne nous a pas abandonnés à nous-mêmes, il ne nous a pas oubliés. Il nous libère de la peur». Malheureusement, relève le cardinal Parolin, l’humanité actuelle court le risque de mener une existence marquée par la tristesse individualiste, isolée dans une profusion de biens de consommation, de placer ses espoirs dans le pouvoir et les succès terrestres. Mais cela ne doit pas nous décourager: «Comme l’affirmait Benoît XVI, c’est dans le désert qu’on redécouvre la valeur de ce qui est essentiel à la vie. Pour le pape François, le Meeting pour l’Amitié entre les Peuples peut contribuer à ce retour à l’essentiel».
Le souverain pontife adresse enfin deux recommandations aux organisateurs et aux participants: ne jamais perdre contact avec la réalité et garder le regard braqué sur l’essentiel. Alors que 2000 ans après sa venue, Jésus redevient un inconnu dans plusieurs pays occidentaux, les chrétiens doivent chercher de nouveaux langages pour proposer l’éternelle nouveauté du christianisme. Tant de fois, estime le pape François, il vaut mieux ralentir le rythme et renoncer aux tâches urgentes pour accompagner ceux qui sont restés au bord de la route.
Lors du Meeting, plusieurs acteurs de ce gigantesque chantier humaniste viendront partager leurs expériences et leurs réflexions. Des scientifiques comme Yves Coppens, paléontologue et paléoanthropologue, et Laurent Lafforgue, mathématicien, sont attendus ce mercredi. Des rencontres sur des thèmes aussi divers que la Syrie antique, la construction européenne ou l'image de l'Italie aux Etats-Unis sont organisées sans oublier de nombreuses expositions photos et manifestations sportives.
Lors de l’ouverture du Meeting, le père Pierbattista Pizzaballa, actuel Custode de Terre Sainte et témoin direct des événements qui secouent le Moyen-Orient, a proposé une vision éclairante sur le «pouvoir du cœur» dans ces pays en guerre, et la nécessité d’un projet qui évite le cycle sans fin du recours à la force.
«Nous avons besoin d’experts qui nous aident à comprendre les changements radicaux auxquels on assiste du point de vue politique, économique et social. Mais nous avons aussi besoin d’un regard haut, ample, libéré de toute crainte et de tout complexe». C’est avec ce regard éclairé et éclairant que le père Pizzaballa a livré son analyse des conflits qui ravagent le Moyen-Orient et de la difficile quête d’une solution pour rétablir la paix.
Des changements radicaux dans la région du vivre-ensemble
Le Custode de Terre Sainte rappelle d’abord le contexte historique et social. Les dernières années ont été marquées par le «Printemps Arabe», un processus qui «a été d’une certaine façon 'fait prisonnier' par des mouvements et partis religieux qui en ont déformé la nature, en la transformant en une véritable lutte de pouvoir entre les différentes composantes religieuses et sociales du Moyen-Orient, en particulier à travers la lutte entre chiites et sunnites». Par ailleurs, «le rapport avec les minorités a été fortement perturbé par des formes de persécution et d’instrumentalisation de natures diverses». Et finalement, souligne le père Pizzaballa, «On n’a jamais assisté à un 'nettoyage religieux' tel que celui qui arrive aujourd’hui».
Cette attitude haineuse et violente, qui peut, malheureusement, nous sembler habituelle dans cette région du monde, n’est pourtant pas inscrite dans la mentalité collective. Le custode explique que le Moyen-Orient est un lieu de vivre-ensemble, «plus que dans toute autre partie du monde». Au Moyen-Orient, chacun, quelle que soit sa religion, «reste lui-même». «Les appartenances religieuses sont aussi des appartenances sociales et culturelles. La foi n’est pas seulement une expérience personnelle, mais elle définit aussi une identité personnelle et sociale», poursuit-il. Cela signifie que «la religion entre dans tous les aspects de la vie quotidienne, publique et privée, et la pénètre en profondeur». Mais cette prévalence de l’appartenance religieuse n’établit pas de barrières, elle «définit une relation à l’autre». Pour le père Pizzaballa, «cette forme de vivre-ensemble interreligieux forme donc le caractère constitutif du Moyen-Orient».
S’il est donc clair, pour ce père franciscain , que «le nettoyage religieux va à l’encontre de l’histoire et du caractère du Moyen-Orient», il s’étonne de la réaction des responsables musulmans: «Le monde islamique a commencé à réagir, enfin, mais honnêtement, on doit dire que sa dénonciation nous a semblé assez timide».
Concernant le recours à la force, le père Pizzaballa demeure prudent. Il affirme que «ce type de fanatisme doit être arrêté, si nécessaire, aussi avec la force, avec toutes les garanties nécessaires. L’usage de la force, cependant, sans une perspective de reconstruction sur tous les plans, ne résoudra rien». En effet, «le vide crée par l’usage de la force engendrera un plus grand extrémisme» . En d’autres termes, «la force, sans une perspective de (re)construction sociale, économique, politique, ne mènera pas à une solution autre qu’un retour à l’usage de la force, comme une sorte de cercle vicieux». Une analyse qui «vaut aussi pour le désormais vieux conflit israélo-palestinien».
Mais dans ce qui nous apparaît comme un chaos sans fin, des moments de réelle solidarité redonnent espoir. Lors d’une visite à Alep, ville de Syrie dévastée, privée depuis des mois d’eau courante et d’électricité, le père Pizzaballa a «vu des chrétiens et des musulmans faire la queue pour avoir de l’eau, et des chrétiens porter de l’eau à leurs voisins musulmans et vice-versa».
Le pouvoir du cœur, ou comment agir en chrétien
Pour le père Pizzaballa, «il ne suffit pas de dénoncer. Il faut indiquer une voie, la route». Et les chrétiens, dans cette tâche délicate, n’ont pas «un rôle à jouer»; ils doivent "être chrétiens". «C’est dans ces circonstances», explique en effet le Custode, «que nous sommes appelés à vivre notre vocation chrétienne de manière complète, sans fuite et sans peur. Le mal ne doit pas effrayer un chrétien.»
Ainsi, selon le père Pizzaballa, il est de notre devoir «de s’engager concrètement pour mettre fin à cette tragédie, qui nous concerne tous. Mais notre action doit être accompagnée par la conviction profonde et sereine que notre agissement doit être uni à celui du Christ pour porter du fruit.»
Deux images fortes pour conclure
L’intervention du Custode de Terre Sainte s’est achevée par le rappel de deux rencontres fortes et déterminants au cours de ces derniers mois. D’abord, celle entre le patriarche Bartholomée et le pape François au Saint-Sépulcre, à Jérusalem et, ensuite, le moment de prière voulu par le pape François au Vatican, en présence des présidents israélien et palestinien. «Tout de suite après, une violence inouïe et inexplicable s’est déclenchée entre les deux parties, semblant presque vouloir nier ce moment historique. Mais dans ce cas aussi, les signes ont été posés et la route indiquée… Ils nous disent que c’est possible. Ils nous aident à élever le regard. Ils nous réchauffent le cœur», souligne-t-il.
Enfin, le message conclusif du discours du père Pizzaballa a invité lui aussi à cultiver la flamme de l’espérance: «Nous avons besoin de tout au Moyen-Orient, mais surtout de croire encore qu’il est possible de s’aimer. Les témoignages nous disent que, malgré tout, grâce aux petits, cette force vit encore».
J.J.D. (avec Radio Vatican)
© Photo: www.meetingrimini.org