Dans le contexte de guerre civile qui sévit en Ukraine, le décès du métropolite Volodymyr, primat de la branche ukrainienne de l’église orthodoxe russe, est un événement qui pourrait bousculer la donne et compliquer davantage une situation déjà très complexe.
Alors que l’armée officielle ukrainienne a remporté samedi une première victoire contre les rebelles pro-russes, en reprenant la ville de Slaviansk, dans l’est du pays, on apprenait le même jour, le décès, à l’âge de 78 ans, du métropolite Volodymyr de Kiev et primat de l’Eglise orthodoxe ukrainienne (Patriarcat de Moscou). A la tête de l’Eglise d’Ukraine, qui compte près de 13 millions de fidèles, depuis 1992, ce théologien et prédicateur renommé a largement contribué à la renaissance de l’orthodoxie dans son pays et renouvelé en profondeur l’épiscopat, favorisant l’émergence d’une jeune génération d’évêques ukrainiens.
Son décès intervient à un moment crucial pour l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, alors que de plus en plus de fidèles réclament son indépendance complète vis-à-vis de Moscou dont elle dépend juridiquement.
Préserver l’unité
Toutefois, malgré cette dépendance du Patriarcat de Moscou, l’Eglise orthodoxe d’Ukraine jouit d’un fort degré d’autonomie. C’est elle, en particulier, qui désigne ses propres évêques. Cette marge de manœuvre, Volodymyr saura l’utiliser avec un subtil mélange de diplomatie et de fermeté à l’égard de Moscou. "Il a su défendre l’autonomie de son Eglise, avec l’autocéphalie en ligne de mire, tout en sauvegardant l’unité de l’orthodoxie", a souligné, auprès de nos confrères de La Croix, l’historien russophone Yves Hamant, qui a rencontré Volodymyr à plusieurs reprises dès la fin des années 1970.
Mais cette unité est néanmoins très fragilisée par la crise actuelle en Ukraine. Une forte poussée en faveur de l’indépendance totale vis-à-vis de Moscou a ressurgi à la faveur des événements de la place Maidan. Le silence du patriarche Kirill de Moscou face à l’annexion de la Crimée a choqué nombre de fidèles de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, des prêtres ayant même cessé de mentionner son nom dans les liturgies.
En mai dernier, le métropolite Hilarion, responsable des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, s’est vu refuser l’accès au territoire ukrainien par les autorités à l’aéroport de Dnetropetrovsk. Lui-même persona non grata, le patriarche Kirill ne pourra participer, le 28 juillet prochain, au baptême de la Rus’ de Kiev qui commémore traditionnellement la naissance de l’Eglise orthodoxe.
Dans le même temps, l’Eglise ukrainienne-Patriarcat de Kiev dirigée par le patriarche Filaret cristallise le sentiment national et attire de plus en plus de fidèles. Précisons toutefois que cette Eglise dissidente, créée en 1991 contre l’avis de Moscou, n’est pas reconnue par les autres Eglises orthodoxes.
Dans ce climat tendu, il revient au synode de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine de définir la date de l’enterrement et celle de l’élection du nouveau primat, la première du genre depuis la chute de l’URSS.
D’après La Croix