Du nouveau dans l’enquête sur l’assassinat des moines de Tibhirine : les autorités algériennes demandent l’audition de deux anciens membres des services secrets français. Une diversion pour l’avocat des familles des victimes.
Officiellement, Alger veut enquêter sur les négociations qui ont eu lieu entre la DGSE (services secrets français) et le GIA, le groupe islamique armé qui aurait enlevé les sept moines. Mais, ce qui intrigue, c’est le fait que cette demande algérienne intervient quelques jours après que juge français Marc Trévidic, chargé de faire la lumière sur ces assassinats, ait fait part de son exaspération dans les médias. Il attend toujours l’invitation officielle d’Alger pour assister à l’autopsie des têtes des moines.
Selon Maître Patrick Baudouin, l’avocat des familles des victimes, cette demande d’audition n’est qu’une diversion. Alger réclame deux auditions dans le dossier des moines de Tibhirine. Me Baudouin s’est confié à Radio Vatican.
Par ailleurs, nos confrères de La Croix, rappellent que deux enquêtes parallèles ont officiellement été lancées par Alger et Paris. En France, elle a été menée par le juge Jean-Louis Bruguière, puis par Marc Trévidic depuis 2007. Ce dernier a recueilli un témoignage affirmant que ce serait l’armée algérienne qui aurait tué les moines par erreur, et fait ensuite croire que ces morts étaient l’œuvre du GIA.
Marc Trévidic souhaite se rendre en Algérie pour exhumer et examiner les corps des sept victimes. Il a obtenu l’accord des autorités algériennes fin 2013, mais n’a jamais reçu l’invitation officielle depuis.
Selon La Croix, la justice algérienne aurait transmis une commission rogatoire à la justice française, lui demandant l’audition de Pierre Le Doaré et de Jean-Charles Marchiani. Le premier était chef d’antenne de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) à Alger de 1994 à 1996. Il a eu des contacts directs avec un négociateur envoyé par le GIA. Il dit aussi, selon El Watan, avoir rédigé des rapports qui auraient disparu de la procédure française. Jean-Charles Marchiani est aussi un ex-officier de la DGSE. Proche de l’ancien ministre Charles Pasqua, il a été mis en cause dans plusieurs affaires de trafic d’influence. Lors de l’enlèvement des moines de Tibhirine, il avait mené une mission de négociation, qui avait été stoppée par Alain Juppé, alors Premier ministre français. L’ex-officier avait déclaré que cela avait « signé l’arrêt de mort » des sept moines, car cette démarche était « sur le point d’aboutir. »
Jusqu’à ce jour, aucune réponse n’a été donnée par les autorités françaises à leurs homologues algériennes émettrices de la commission rogatoire, précise le quotidien français.
(Avec La Croix et Radio Vatican)