Le 1er juillet dernier, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé qu'interdire le voile intégral ne porte pas atteinte aux droits des femmes concernées, mais elle admet que l'interdiction absolue du voile "puisse paraître démesurée".
La requête qui a conduit à la décision prise, ce 1er juillet, par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a été déposée le 11 avril 2011 par une avocate musulmane de 24 ans contre la loi française de 11 octobre 2010, qui interdit le port public du voile intégral. La jeune femme – qui porte tantôt la burqa, tantôt le niqab – affirme ne subir aucune pression familiale et accepter les contrôles d'identité, mais dit vouloir rester libre de porter le voile intégral à sa guise, en public comme en privé.
Deux objectifs légitimes
Dans son arrêt rendu le 1er juillet dernier, la CEDH admet que cette loi constitue bien "une ingérence permanente" du droit au respect de la vie privée et à celui d'exercer librement sa religion, mais elle estime que cette ingérence poursuit "deux des buts légitimes" prévus par la Convention des droits de l'homme: la sécurité ou la sûreté publique et la protection des droits et libertés d'autrui.
Concernant le premier objectif, la cour émet toutefois quelques doutes. La loi française entendait lutter contre "la fraude identitaire" et "la nécessité de prévenir les atteintes à la sécurité des personnes et des biens". Les juges européens estiment que l'interdiction absolue de porter le voile "ne peut passer pour proportionnée" que "lors d'une menace générale contre la sécurité publique", ce qui n'est pas le cas.
Quant à "la protection des droits et libertés d’autrui", le gouvernement français a fait valoir qu’il s’agissait de faire respecter l’égalité entre hommes et femmes, le respect de la dignité des personnes et celui des exigences de la vie en société. La Cour n’a retenu que le dernier : "La clôture qu’oppose aux autres le fait de porter un voile cachant le visage dans l’espace public peut porter atteinte au 'vivre ensemble'''. Elle dit comprendre que le voile met "fondamentalement en cause la possibilité de relations interpersonnelles ouvertes qui est un élément indispensable à la vie en société".
Un arrêt qui intéresse la Belgique
La cour ajoute toutefois que, vu le faible nombre de femmes concernées, il était discutable d'"avoir fait le choix d'une loi d'interdiction générale". "Un Etat qui s'engage dans un tel processus législatif prend le risque d'encourager l'expression de l'intolérance", met-elle en garde.
Quoi qu'il en soit, cet arrêt de la CEDH intéresse au plus haut point la Belgique, puisqu'elle est, avec la France, le deuxième pays au monde à avoir interdit le port du voile intégral. Dans cette affaire, l'Etat belge s'était d'ailleurs joint "en tierce intervention", en raison des "importantes similitudes" entre les deux lois.
P. A.