Le nouveau roi Felipe VI prêtait serment aujourd’hui à Madrid. L’occasion de revenir sur les liens qu’a entretenu la Couronne espagnole avec le catholicisme… et sur ce qui va changer.
En Espagne, le couple royal est appelé "les rois" ("Los Reyes"). Mais depuis 1494, ils ont également gagné le surnom de "rois catholiques", en récompense du zèle du roi Ferdinand II et de la reine Isabelle à défendre la foi catholique. Les deux rois n’avaient pas seulement réuni leurs deux royaumes de Castille et d’Aragon (en repoussant les Arabes vers le sud), il avaient également utilisé l’Inquisition pour donner au pays une homogénéité religieuse.
Au-delà du titre honorifique de "rois catholiques" reçu par le pape Alexandre VI, les souverains espagnols ont reçu un certain nombre de privilèges religieux: pouvoir recevoir la communion debout (à une époque où on le faisait à genoux), nommer eux-mêmes les juges de la Sainte Inquisition, avoir leur propre juridiction de tribunaux ecclésiastiques, etc.
Et après la victoire de la flotte espagnole sur la marine turque à Lépante en 1571, c’est le peuple espagnol tout entier qui reçut un privilège: pouvoir manger de la viande durant le Carême.
Le nouveau roi Felipe VI rompt avec le passé
Mais ces coutumes passées marquaient surtout un lien privilégié entre la Couronne espagnole et l’Eglise catholique. Un lien qui ne signifie plus grand-chose pour de nombreux Espagnols des villes, athées ou non-pratiquants. De plus, cela rappelle surtout la période du Général Franco (1939-1975) durant laquelle l’Eglise et l’Etat étaient quasiment fusionnés.
Dans l’actuelle Constitution espagnole, l’art. 16 § 3 dispose qu’il n’y a plus de religion d’Etat et que toutes les confessions sont respectées. Une situation très bien comprise par le nouveau roi Felipe VI.
Alors que son père avait prêté serment devant un crucifix (mais la main posée sur la Loi fondamentale), le nouveau roi Felipe a fait disparaître la croix. Comme aujourd’hui, la cérémonie de prestation de serment de Juan Carlos, en 1975, avait eu lieu devant les Cortes (Chambre et Sénat espagnols), mais un office religieux avait également été célébré dans l’église royale San Jeronimo. Cette messe du St-Esprit n’était pas une messe de couronnement mais plutôt une occasion de prier pour le nouveau souverain. Cependant, cet événement ne figure pas au programme de cette journée d'intronisation du roi Felipe. Pour être célébré plus tard dans l’intimité familiale? Il est possible que la famille royale espagnole suive ce qui se fait en Belgique, en réservant les cérémonies religieuses au strict cadre familial. Autre changement: le nouveau blason royal ne reprend plus la Croix de Saint-André (en forme de X).
Dans tous les cas, la Maison royale espagnole a décidé de donner aux cérémonies de ce jour le caractère le moins religieux possible. Il est vrai que le nouveau roi se prend une volée de bois vert à chacune de ses visites dans une église, au motif qu’il… fait son signe de croix en entrant.
Tout au long de son règne, le roi Felipe VI sera confronté à deux volontés contradictoires: celle d’Espagnols croyants qui ne veulent pas que leur pays oublie son héritage chrétien et celle d’Espagnols laïcs pour qui tout événement religieux rappelle une période sombre de leur Histoire. Mais comme il l’a rappelé dans son discours d’intronisation "Il y a plusieurs manières d’être Espagnols".
M.B.
Photo : https://losespartanos-leonardo.blogspot.be/