En Belgique, accueil des réfugiés rime avec Centres fermés


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En Belgique, accueil des réfugiés rime avec Centres fermés
Par Manu Van Lier
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
4 min

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En pensant aux réfugiés, nous voyons probablement surgir en premier lieu et surtout des images de camps en Afrique, d’embarcations déglinguées et débordantes qui défient la Méditerranée ou d’hommes qui tentent de franchir les grillages à Melilla. Plus près de chez nous, nous pensons peut-être aux Afghans qui, ces derniers mois, ont défrayé la chronique ou encore aux camps de réfugiés de Calais, qui ont récemment dû être évacués pour éviter une propagation de la gale.

Mais que signifie en fin de compte cette Journée mondiale pour les réfugiés eux-mêmes? Est-ce une fête pour ceux qui ont réussi à obtenir un statut de protection? Une journée de deuil pour tous ceux qui n’y sont pas arrivés? En Belgique, quelque 10 à 15.000 personnes demandent chaque année l’asile, dont 30% obtiennent finalement une protection. Ces personnes peuvent rester dans le pays. Mais qu’en est-il des autres 70%? Ceux-ci reçoivent un ordre de quitter le territoire. Celui qui n’y donne pas suite ne réside plus de façon légale dans le pays et risque de se retrouver dans un centre d’expulsion en vue de son rapatriement. Outre des demandeurs d’asile déboutés ou des personnes qui n’ont jamais demandé d’asile, on y trouve encore des personnes auxquelles l’accès au territoire a été refusé à leur arrivée à la frontière, et qui sont enfermées durant l’examen de leur demande d’asile.

La Journée mondiale des réfugiés est une bonne occasion de voir ce qui se passe dans un tel centre. D’abord, un centre fermé est difficilement accessible au public, de sorte que cette réalité échappe facilement à l’attention. A l’entrée, nous voyons des clôtures anti-ascension d’une hauteur de plusieurs mètres. Impossible de s’évader. Recouvrer la liberté par la voie juridique est tout aussi impossible ou presque. Les avocats ont souvent l’impression de se démener pour rien.

L’ambiance dans un tel centre n’est pas à la fête, même pas lors de la Journée mondiale des réfugiés. Les anniversaires y sont souvent les moments les plus durs à vivre. Etre privé de sa liberté, fût-ce pour des raisons administratives, demeure toujours pénible. Les étrangers détenus se trouvent, dirait-on, dans une situation injuste. Mais ce qui semble injuste n’est pas nécessairement illégal. Il faut des lois pour mener une politique, mais ces mêmes lois imposent aussi des contraintes à l’Etat. Et de temps à autre, l’Etat outrepasse ses compétences.

Ainsi, ces deux dernières années, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Belgique à six reprises en matière de détention de demandeurs d’asile. Cela représente une moyenne de deux fois par an. Il y en a donc chez nous, des violations des droits de l’homme; elles sont souvent subtiles, mais elles n’en existent pas moins. En outre, le Haut Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe vient d’affirmer, voici quelques jours, que le fait d’enfermer des demandeurs d’asile dans des centres de détention est contraire aux droits de l’homme. Voilà des indices importants qui nous font croire que nous ne sommes pas toujours sur la bonne voie.

Peut-être certains demandeurs d’asile déboutés, seraient-ils mieux dans leur propre pays, où ils peuvent au moins faire appel à leur réseau social, à des amis ou à des parents, pour difficile que la situation y soit. Ici ou là, on propose actuellement des cours d’orientation vers le futur aux étrangers destinés à les aider à prendre une décision quant à leur avenir: rentrer dans leur pays ou rester ici. Pour beaucoup d’entre eux, c’est un choix impossible. Tant ici que là-bas, leur situation semble être sans issue. Ce choix serait moins difficile si la situation dans leur pays était plus sûre et vivable. Tant que cela ne sera pas le cas, ils ne cesseront de venir chez nous. Et tant que cela dure, nous devons veiller à ce que, chez nous ou sur la route vers chez nous, leurs droits soient respectés.

Nathalie Salazar Medina

Nathalie Salazar Medina est slaviste de formation et elle travaille depuis 2006 au Jesuit Refugee Service Belgium. Dans ce cadre, elle va chaque semaine en visite dans le centre fermé de Bruges.

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