Au terme de son voyage de 3 jours en Terre Sainte, le pape François a répondu aux questions des journalistes qui l’accompagnaient dans son retour vers Rome. Le Saint Père a profité de ce face-à-face avec la presse pour exprimer ce qu’il ressentait… mais aussi pour remettre les points sur les "i".
Le pape François a répondu à toutes les questions, à l’exception de celle sur un éventuel voyage au Japon (qui n’a pas encore fait l’objet d’une décision). Par contre, il a annoncé qu’il se rendrait au Sri Lanka et aux Philippines en début d’année prochaine. Passant des questions sur la mauvaise gestion financière du Vatican aux questions sur la famille, le pape a donné son avis très ouvertement.
On retrouve le style très sud-américain propre au pape argentin: dire sans ambages ce qu’il pense, mâtinant ses propos de jeux de mots ou créant un dialogue imaginaire pour illustrer une situation. On s’en doute, l’ambiance devait être au beau fixe dans le vol Tel-Aviv/Rome.
"L’euthanasie: une conséquence du système économique"
"Nous sommes dans un système économique mondial où l’argent se trouve au centre. Ce n’est pas la personne humaine. Au centre d’un véritable système économique, il doit y avoir l’homme et la femme, la personne humaine. Et aujourd’hui, au centre, il y a l’argent." Le constat posé par le pape est connu. Et sa condamnation d’un système économique oubliant les individus n’est pas nouvelle. Le ton employé dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium était tellement critique envers le système économique que la presse américaine en a traité François de "pape marxiste". Mais le pape avance une conséquence rarement évoquée: le rejet des nouvelles et des anciennes générations. Evoquant avec tact le drame de l’avortement et de l’euthanasie, le pape François estime que ce sont les conséquences d’un système économique inhumain où les plus petits et les plus faibles sont considérés comme improductifs. "Pour maintenir ce système et pour l’équilibrer, il doit avancer avec certaines mesures de rejet. On rejette les enfants. […] On rejette les vieux. Il y a aussi des situations d’euthanasie cachée, dans de nombreux pays."
Le célibat des prêtres: "une règle que j’apprécie beaucoup"
Le pape François a commencé par rappeler que le célibat des prêtres n’est pas une question spirituelle mais une manière de vivre sa foi. "L’Eglise catholique a des prêtres mariés. Les catholiques grecs, les catholiques coptes, il y en a dans les rites orientaux parce que le célibat n’est pas un dogme de foi. C’est une règle de vie que j’apprécie beaucoup et je crois que c’est un don pour l’Eglise."
Une prochaine date commune de Pâques?
Le thème de ces trois jours en Terre Sainte était l’œcuménisme, en souvenir de la rencontre historique entre le pape Paul VI et le Patriarche orthodoxe de Constantinople de 1964. Mais 50 ans après cet important rendez-vous, où en est l’unité des chrétiens?
"On ne peut pas faire l’unité dans un congrès de théologie. Nous avons évoqué la possibilité de faire quelque chose lors du concile panorthodoxe sur la date de Pâques. Parce que c’est un peu ridicule: 'Dis-moi, ton Christ, quand est-ce qu’il ressuscite? La semaine prochaine. Ah, le mien a ressuscité la semaine dernière'. La date de Pâques est un signe d’unité." Cependant, le vrai problème réside dans la différence entre le calendrier Grégorien (utilisé par les catholiques) et le calendrier Julien (par les orthodoxes). Et changer de calendrier n’est pas encore à l’ordre du jour.
Divorcés-remariés: "pas de casuistique, la chose est plus large"
Interrogé au sujet du prochain synode sur la famille, le pape François a voulu rappeler qu’il ne s’agira pas de créer de nouvelles règles, mais d’approfondir la conception "d’Eglise domestique" qu’est la famille. "Le synode sera sur la famille, sur le problème de la famille, sur les richesses de la famille, sur la situation actuelle de la famille."
Mais le pape a surtout voulu tordre le cou à une rumeur selon laquelle le synode permettra deux mariages religieux. "Je n’ai pas aimé que de nombreuses personnes, y compris d’Eglise, des prêtres, aient dit 'ah, le synode, pour donner la communion aux divorcés remariés'... Non, la chose est plus large."
On peut donc s’attendre à ce que la doctrine de l’Eglise sur les divorcés-remariés (les personnes qui ont fait un mariage religieux, ont divorcé civilement, puis se sont remariées civilement) ne change pas. Par contre, le pape François a donné une piste qui sera très certainement approfondie lors du synode: "étudier les procédures de nullité matrimoniale..., étudier la foi avec laquelle la personne va se marier, et clarifier que les divorcés ne sont pas excommuniés et sont très souvent traités comme des excommuniés."
Fidèle à son habituel franc-parler, le Saint Père a répondu à toutes ces questions avec une grande simplicité, peut-être accentuée par la fatigue accumulée au cours de ces trois jours au programme très chargé.
M.B.