Comme annoncé, le président français François Hollande a été reçu par le Pape François. Que se sont-ils dit? Pour l’instant, rien n’a filtré, mais une chose a frappé: le souverain pontife avait le visage grave lorsqu’il a serré la main du chef de l’Etat français!
C’est la huitième fois qu’un président de la Ve République est reçu au Vatican. François Hollande est arrivé à 10h30 Cour Saint Damase au Vatican, accompagné d’une escorte d’une dizaine de voitures et d’une dizaine de motos, comme c’est le cas pour les visites de chefs d’Etat importants. Le pape, le visage grave, l'a accueilli au deuxième étage du Palais apostolique. Après une poignée de main échangée face caméra, les deux hommes se sont entretenus pendant 35 minutes en tête à tête dans la bibliothèque, où sont reçus les chefs d'Etat. Depuis 1958, à l’exception de Georges Pompidou, tous les chefs d’Etat français sont venus au Vatican. Nicolas Sarkozy a même été reçu à deux reprises.
Sujets internationaux ou sujets "qui fâchent"?
On ne sait pas ce que se sont dit les deux hommes lors de cet entretien. Du côté de l'Elysée, trois dossiers ont été préparés pour l'occasion: mondialisation et écologie; conflits en Afrique et au Moyen-Orient; laïcité et évolutions de société. Mais nul ne sait ce qui va dominer l'entretien. Les questions internationales y prendront évidemment une part importante, comme le souhaite l'Elysée. Mais rien ne dit que les deux responsables n'aborderont pas les questions éthiques où le désaccord est abyssal, même s'il n'est pas de tradition qu'un pape tance un hôte présidentiel sur sa politique interne. Toutefois, le style franc auquel nous a habitués le pape François depuis son élection, laisse à penser qu’il aura abordé les "sujets qui fâchent". Sujets qui, par ailleurs, divisent la société d’outre-Quiévrain. Que ce soit le mariage pour tous, la nouvelle loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), votée cette semaine, ou encore le projet de loi sur la fin de vie et l’euthanasie, on peut espérer et croire que le Saint-Père n’a pas mâché ses mots. Reste à savoir ce que lui a répondu le président Hollande. Un communiqué devrait être publié en fin de journée.
A l'issue de l’entretien, François Hollande a présenté au pape la délégation française, composée d’une quinzaine de personnes, parmi lesquelles le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, mais aussi l'écologiste Nicolas Hulot, ou encore le père Georges Vandenbeusch qui fut retenu en otage par le groupe islamiste Boko Haram au Cameroun pendant plus d’un mois avant d’être libéré, le 31 décembre dernier. Le pape François s'est dit "très heureux" de le rencontrer et l’a chaleureusement serré dans ses bras.
Le président français a ensuite offert au pape un ouvrage sur Saint François d'Assise par Maurice Boutet de Monvel, publié par Plon en 1929. "C'est aussi votre saint patron", a glissé le pape François à François Hollande dans un sourire.
Selon les observateurs, l'atmosphère semblait plus détendue à l'issue de leur échange privé.
La délégation française s’est ensuite entretenue avec le secrétaire d’Etat, Mgr Pietro Parolin, et Mgr Dominique Mamberti, secrétaire pour les Relations avec les états. A l'issue de la visite, le Saint-Siège a publié un communiqué: "Au cours des entretiens cordiaux, la contribution de la religion au bien commun a été évoquée. Rappelant les bonnes relations qui existent entre la France et le Saint-Siège, a été réaffirmé l’engagement mutuel à maintenir un dialogue régulier entre l’Etat et l’Eglise catholique et à coopérer de manière constructive dans les questions d’intérêt commun. Dans le contexte de la défense et de la promotion de la dignité de la personne humaine, quelques arguments d’actualité ont été examinés, comme la famille, la bioéthique, le respect des communautés religieuses et la protection des lieux de culte. La conversation s’est poursuivie sur des thèmes à caractère international, comme la pauvreté et le développement, les migrations et l’environnement. Elle s’est étendue, en particulier, sur les conflits au Moyen Orient et dans quelques régions de l’Afrique, en souhaitant que dans les différents pays concernés la coexistence sociale pacifique puisse être rétablie à travers le dialogue et la participation de toutes les composantes de la société, dans le respect des droits de tous, spécialement des minorités ethniques et religieuses".
Précisons encore que François Hollande a invité le souverain pontife à se rendre en France. A cet égard, on se souviendra de la phrase de Jean-Paul II, en visite outre-QUiévrain: "France, qu'as-tu fait de ton baptême ?" Elle est plus que jamais d'actualité!
Pétition de 100.000 catholiques français
La visite de François Hollande intervient, avec en toile de fond, des questions qui ont suscité une vaste mobilisation des catholiques français: la loi Taubira, la fin de vie, la réforme de la loi sur l’avortement, l’immigration. Mais aussi des dossiers internationaux, tels que la guerre civile en Syrie et la crise centrafricaine, suivies des deux côtés avec la plus grande attention. Au niveau national, la politique sociétale du gouvernement suscite incompréhensions et frustrations dans la sphère des catholiques, y compris parmi de nombreux électeurs de François Hollande. L’impression de voir le gouvernement passer en force, sans véritable consultation, accentue le malaise.
A l'occasion de cette visite au Vatican de François Hollande, plus de 100.000 jeunes catholiques de France ont signé une pétition adressée au pape François faisant état de leur profond malaise sur différents sujets de société. Dans cette lettre, mise en ligne il y a quelques jours sur le site de pétitions Citizen Go, les signataires font part de "l'inquiétude grandissante de nombreux catholiques de France face à la promotion par le gouvernement d'atteintes majeures aux droits fondamentaux de la personne humaine". Ils évoquent la loi Taubira, la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui, la recherche sur l'embryon humain, l'euthanasie, la question du genre. Les jeunes catholiques y dénoncent aussi une campagne médiatique de dénigrement d'une rare violence ainsi que la multiplication des profanations d'églises. Les signataires demandent au Saint-Père "de trouver les mots pour exprimer leur malaise sur l'ensemble des sujets évoqués".
J.J.D. (avec Radio Vatican)
(C) Photo: www.aleteia.org