Ciney : Martin Gray réside près de la collégiale…


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Ciney : Martin Gray réside près de la collégiale…
Notre correspondant local a rencontré Martin Gray.
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
5 min

Notre correspondant local a rencontré Martin Gray.

Notre correspondant local a rencontré Martin Gray.

Connu pour son livre "Au nom de tous les miens" dans lequel il décrit une partie de sa vie et notamment le drame d'avoir perdu à deux reprises toute sa famille - d'abord dans les camps d'extermination nazis, ensuite dans l'incendie de sa maison dans le Sud de la France -, Martin Gray réside désormais dans la capitale du Condroz. Nous avons rencontré pour vous l'écrivain juif franco-américain. En cette période de l'Avent, le Polonais d'origine tient à renouveler un message d’espoir. Une leçon d’humanisme et un destin hors du commun que nous vous partageons grâce à nos collaborateurs de Ciney...

Martin Gray Ciney 2Martin Gray... Pourquoi êtes-vous venu vous installer à Ciney?

Mon épouse est Belge et ses parents âgés habitent la région. Nous avons donc souhaité nous rapprocher d’eux… Et puis, la vie est tranquille ici. Vous savez, j’ai habité un peu partout dans le monde... A New-York, Paris, Berlin, Varsovie… Je suis heureux d’être ici maintenant. J'ai 91 ans... Ce sera ma dernière maison. J’ai appris qu’il y avait déjà neuf centenaires à Ciney, je voudrais être le dixième!

De quoi est fait votre quotidien maintenant?

Je devrais répondre à 800.000 lettres... Certaines font vingt pages! Ma secrétaire a calculé qu’il me faudrait trois siècles pour y répondre! C’est d’ailleurs un terrible dilemme pour moi. Chaque courrier demande une réponse. Mais il faut bien faire un choix... Je donne priorité aux appels au secours. Certaines réponses sont dans les livres que j’ai écrits. (...) Je voudrais encore écrire. Un bouquin sur mon père, sur tout ce qu’il m’a enseigné... Mais le temps me manque! La veille de son assassinat dans le ghetto de Varsovie, papa me disait encore... "On va sans doute laisser le monde dans le même état que ce qu’il était avant notre venue, mais il faut quand même espérer changer quelque chose pour qu’il devienne un peu meilleur." Vous savez, on sort à peine de la préhistoire... Qu’est-ce qu’une vie d’homme à l’échelle du temps?

Vous avez côtoyé la mort... Avec la "chance" de vous en sortir. Le mot est-il le plus approprié?

La chance joue beaucoup, mais c’est surtout la force qu’on a en soi qui compte. L’homme est la plus belle création qui soit, il est rempli de richesses insoupçonnées. Après avoir perdu les miens, je voulais donner un sens à leur mort. Donner un sens à ma vie. C’est cela qui m’a permis survivre. Et puis, j’ai créé la Fondation Dina Gray pour éviter que de tels drames ne se reproduisent. "Au nom de tous les miens" a été édité en 26 langues, lu par 30 millions de personnes... Le succès de mes livres, ce sont les témoignages que je reçois encore aujourd'hui. Des gens qui ont repris courage en découvrant mon histoire. Voilà pourquoi je continue à vivre. Dans la vie, il faut trouver la force de se battre. Vivre c’est savoir pourquoi on vit!

Avez-vous peur de la mort?

J’avais peur pendant la guerre, tellement les hommes étaient devenus fous! Plus maintenant… Je suis prêt depuis longtemps. Vous savez, je sculpte la pierre. La pierre est un symbole d’éternité. En chaque homme se cache un Caïn et un Abel...

Chaque homme est capable du meilleur comme du pire...

Selon les circonstances, et mon histoire me l’a appris, chaque homme peut devenir une bête sauvage. Il faut donc pouvoir se contrôler. En entrant dans Berlin, en 1945, avec l’armée russe, j’avais en moi le désir de venger les miens. Mais la vengeance est destructrice pour les autres, mais aussi pour soi. Je descends du peuple d’Abel...

Qui sont les bourreaux d’aujourd’hui?

C’est en chacun de nous qu’il faut d’abord chercher le bourreau. Avant de penser à changer le monde, il faut se changer soi-même. Le monde est un carrefour dangereux... On peut facilement basculer dans la haine, dans la violence, même au cœur de nos cités. La haine et l’amour sont en nous. Et c’est l’amour qui doit l’emporter. Le monde est plein de gens courageux, de gens généreux. C’est pour cela que je ne désespère pas. Un jour mes enfants, ou leurs enfants, ou les enfants de leurs enfants… verront poindre l’aube d’un monde meilleur.

Mandela, Obama, le pape François, le Dalaï Lama ou Aung San Suu Kyi... Parmi ces personnalités, quelle est celle que vous souhaiteriez rencontrer...

Avec d’autres survivants du ghetto de Varsovie, j’ai rencontré le pape Jean-Paul II. Nous avions été invités au Vatican. C’était un homme debout! Grâce à lui, le communisme a reculé. J’ai rencontré beaucoup de gens illustres, mais pas seulement. Encore beaucoup plus de gens humbles, simples et j’en étais émerveillé!

Qu’est-ce que les mots "naissance, bonheur, mort, Dieu" évoquent pour vous?

Je les prends tous ensemble. (...) Quant à Dieu, je m’interroge. Les gens d’églises diront si je suis croyant. Moi je dis que l’homme est le plus beau miracle, on ne peut le séparer de l’univers. Je sais aussi que la mort ne peut pas nous séparer de l’amour de ceux qu’on a aimés. Qu’il y a en nous des forces infinies. Que l’amour triomphe toujours de la barbarie. Pour moi, croire en la vie, c’est croire en Dieu.

 

C'est en écoutant, dans sa tête, la musique que ses parents lui faisaient écouter à la maison que Mietek Grayewski (vrai nom de Martin Gray) a survécu à l'horreur des camps de la mort. Sur le site du doyenné de Ciney, découvrez encore bien d'autres secrets dévoilés lors de cette rencontre dans la vallée du Bocq.

TG - Propos recueillis par Jacques Massart - Photos: Yves Teplooukhoff

A voir ou à revoir: KTO VIP - Emmanuelle Dancourt reçoit Martin Gray
Bande annonce du film de R. Enrico "Au nom de tous les miens" (1983)
Catégorie : Belgique

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