A Assise, le pape a multiplié paroles et gestes forts !


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A Assise, le pape a multiplié paroles et gestes forts !
Le pape François à l’Institut Serafico
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
6 min

Le pape François à l’Institut Serafico

Le pape François à l’Institut Serafico

Vaste programme pour le pape qui était en visite à Assise, ce 4 octobre, la ville de Saint-François dont le pontife a choisi le patronyme. Comme il l’avait laissé entendre, le pape a invité l’Eglise à se dépouiller. Il a aussi cherché à exprimer la douceur de l’Evangile, mais aussi sa radicalité. Paroles fortes et gestes concrets à l’appui.

Pour sa visite dans la cité du Poverello (le petit pauvre), dont il a pris le nom, le pape François s’était fait accompagner des huit cardinaux avec lesquels il était réuni depuis mardi 1er octobre pour réfléchir à la réforme de la Curie romaine. Certains y ont vu un symbole de collégialité, mais par la présence de ces huits prélats, c’est aussi tout le collège cardinalice qui était représenté. Ce qui témoigne l’importance que le souverain pontife donnait à cette visite qui se déroule le jour de la Saint-François-d’Assise.

Si Assise , qui s’était mise sur son "31", préparant cette visite depuis des mois, a connu une journée marathon avec un programme très chargé qui portait notamment sur la visite de chacun des lieux marquants de la vie de Saint-François. La densité de la journée se voulait à la mesure de l’événement: Assise, étape connue des visites pontificales, recevait pour la première fois un pape nommé François. Son pape. De surcroît pour la Saint-François-d’Assise. Chaque année, ce jour-là, décrété "solennité civile" dans toute la Péninsule, donne lieu ici à des festivités, où le folklore régional et les cérémonies officielles avec les autorités publiques se mêlent à la ferveur spirituelle. Cette fois, aux célébrations habituelles dans la basilique Sainte-Marie-des-Anges, là même où François d’Assise accueillit "sœur la mort corporelle" le soir du 3 octobre 1226, s’est ajoutée une veillée de prière "dans l’attente du pape François" avec toute la famille franciscaine (frères mineurs, capucins…).

Arrivé avec un quart d’heure d’avance, le pape en a profité pour rencontrer plus longuement les 80 enfants et jeunes qu’accueille l’Institut Serafico, un établissement pour jeunes polyhandicapés, qui l’attendaient avec le personnel en blouse blanche.. Caresses, baisers, signes de croix sur le front, mains serrées, il s’est montré généreux en temps et en tendresse, encourageant aussi le personnel, souvent une larme à l’œil. L’institut emploie 163 personnes. Au mur, une plaque rappelait une précédente visite pontificale, celle de Jean-Paul II en 1993.

La radicalité de Jésus

S’asseyant pour prendre la parole, au milieu des gémissements de certains enfants handicapés, le pape s’est entièrement écarté de son discours pour improviser des mots brefs, prononcés lentement telle une méditation. "Jésus est caché derrière la simplicité et la douceur d’un pain (...) il est présent et caché" dans ces jeunes, a-t-il déclaré, invitant les chrétiens à savoir écouter et reconnaître ce que disent "les plaies de Jésus dans ces personnes".

Avec la même profondeur de ton, par des mots prononcés lentement pour mieux en appuyer le sens, le pape François a aussi improvisé en un lieu où, comme il l’a lui-même souligné, aucun autre pontife n’était entré avant lui: la salle de dépouillement du "Poverello". Rencontrant ici des personnes démunies et sans travail, aidées par la Caritas, le pape a rappelé qu’ils formaient tous l’Eglise avec lui, les cardinaux et les évêques, reprenant le thème de ses actuelles audiences générales du mercredi place Saint-Pierre.

Le pape François a surtout souligné en cet endroit la radicalité du Christ, dont il faut imiter le dépouillement et non, à l’inverse, prendre la voie de la "mondanité", mot cher à son vocabulaire: "Beaucoup voudraient un christianisme un peu plus humain, sans Jésus, sans la croix, sans le dépouillement. C’est un christianisme de pâtisserie, comme un beau gâteau. L’Evangile est l’Evangile, Dieu est l’Unique et Jésus s’est fait serviteur pour nous".

A l’Eglise, François demande d’avoir le courage du Poverello

Rappelant comment Saint-François avait reçu ici la "force de Dieu" de se dépouiller, le pape a demandé à toute l’Eglise d’avoir le même courage. "Le dépouillement de l’Eglise signifie pour tous chrétiens – évêques, cardinaux et pape compris", a-t-il encore précisé "de se défaire de cet esprit du monde qui conduit à la vanité, à l’orgueil, à la puissance, devenant une forme d’'idolâtrie'".

Ce même "esprit du monde", selon lui, conduit à notre indifférence devant les ravages du chômage, de la faim et de l’esclavage, dénonçant, comme la veille, le drame des morts à Lampedusa. Pour le pape, l’Eglise ne doit pas en être complice.

Les huit cardinaux accompagnants ont célébré la messe avec le pape sur la place devant la basilique Saint-François, en présence du chef du gouvernement italien, Enrico Letta, et d’environ 100.000 fidèles. L’homélie a été une autre occasion pour le pape de reprendre la radicalité de ses propos. "La paix franciscaine n’est pas un sentiment doucereux, ni une espèce d’harmonie panthéiste avec les énergies du cosmos".

Avec "la force et la douceur de l’amour", le pape a invité à respecter la création chantée par Saint-François, exhortant: "Que cessent les conflits armés qui ensanglantent la terre, que se taisent les armes! Entendons le cri de ceux qui pleurent, souffrent et meurent à cause de la violence, du terrorisme ou de la guerre, en Terre Sainte, tant aimée de Saint-François, en Syrie, dans l’ensemble du Moyen-Orient, dans le monde".

Parler est "facile" a reconnu le pape, qui a jalonné sa journée d’autres gestes significatifs. Tel son déjeuner pris avec 57 personnes démunies, que soutient Caritas, à côté de la basilique Sainte-Marie-des-Anges, au bas de la colline d’Assise.

Des conseils pour tous, clergé et laïcs

Revenu dans l’après-midi dans la vieille ville, le pape a rencontré dans la cathédrale le clergé et les membres des conseils pastoraux du diocèse d’Assise qui entre en synode. Le pape François, pour qui "l’Église ne grandit pas par prosélytisme mais par l’attraction du témoignage", a alors livré une série de bonnes pratiques à exercer…

Aux prêtres: écouter la Parole de Dieu en silence dans son cœur plutôt que faire «"es homélies interminables dont on ne comprend rien", connaître ses paroissiens, "même les noms de leurs chiens". Aux couples mariés: pour tenir, ne jamais finir une journée "sans faire la paix". Aux parents avec leurs enfants: "Vous leur parlez de la Parole de Dieu ou de la parole du JT?" Au diocèse: "sortir aux périphéries", auprès de ceux qui "se trouvent physiquement au centre mais spirituellement sont loin", "les enfants qui ne savent pas faire le signe de croix". Cheminer avec tout le peuple: "synode signifie marcher ensemble", marcher "sans fuite en avant, sans nostalgie du passé".

En fin d’après-midi, il devait rencontrer sur l’esplanade de cette basilique des milliers de jeunes de toute la région, comme il l’avait fait le 22 septembre avant de quitter la Sardaigne.

J.J.D. (Avec Sébastien Maillard, envoyé de La Croix à Assise)

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