Les ménages belges gaspillent énormément. 40 à 60% de la nourriture produite finit à la poubelle. Si les magasins d’alimentation ont leur part de responsabilité, nous pouvons à notre échelle diminuer ce gaspillage.
9.000 kilomètres, c’est le nombre de kilomètres qu’a peut-être parcourus le yaourt aux fraises qui vient de finir sa vie à la poubelle. Périmé, il n’a pas été mangé. Banal, voire naturel, le gaspillage de nourriture est inscrit dans notre mode de vie. Les sociologues expliquent, en effet, cette attitude par le fait que, dans les pays riches, le poids des dépenses alimentaires dans le budget des ménages n’a cessé de décroître ces dernières décennies. Du coup, lorsque l’on jette de la nourriture, on a moins l’impression de gaspiller qu’autrefois. Impression trompeuse, car quand on analyse les derniers chiffres produits par l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture, il ne fait aucun doute que nous gaspillons de plus en plus.
En effet, selon la FAO, un tiers des aliments qui sont produits chaque année dans le monde sont perdus ou gaspillés. Un phénomène qui touche tout autant les pays en développement que les pays industriels, même s’ils ne sont pas concernés de la même manière. Dans les premiers, les pertes se situent surtout au niveau de la production, en raison d’infrastructures défaillantes et de technologies dépassées, alors que dans les seconds, le gaspillage est plus souvent le fait des commerçants et des consommateurs qui jettent des aliments « parfaitement comestibles ». Ainsi, à Bruxelles, chaque individu jette, en moyenne, 15 kilos de nourriture par an, et en Wallonie, de 14 à 23 kilos. Et il ne s’agit pas d’épluchures ou de débris divers de cuisine, mais bien de restes de repas, de produits entamés, voire jamais déballés.
174 euros par an
Étonnant quand on sait que le prix de tout ce gâchis est loin d’être dérisoire. L’Observatoire bruxellois de la consommation durable estime, en effet, à 174 euros par an et par ménage le prix réel du gaspillage. L’impact environnemental n’est pas non plus à sous-estimer. Lorsqu’un aliment vole à la poubelle, c’est également un formidable gaspillage d’eau, d’énergie et de matières premières qui est réalisé (il faut, par exemple, 1.000 litres d’eau pour fabriquer un kilo de farine). Sans parler du travail humain qui est derrière, des pesticides et fertilisants utilisés pour produire ces denrées, et des émissions de gaz à effet de serre que tout cela engendre forcément. Selon la Commission européenne, environ 20% du changement climatique peut être attribué à la production, la transformation et le stockage de la nourriture.
Si pratiquement tout le monde est d’accord pour dire que le gaspillage est un scandale (un milliard de personnes souffrent de la faim dans le monde) et qu’il faut lutter contre ce fléau, dans la réalité, cela s’avère une autre paire de manches. Selon une étude menée par l’ULB en 2005, la grande majorité des consommateurs estiment en effet qu’ils ne sont pas les acteurs du gaspillage. Ils ont plutôt tendance à pointer du doigt la responsabilité des écoles, grandes surfaces, restaurants, fast-foods, homes, collectivités, restaurants d’entreprise, etc. Cette manière de voir, bien sûr, n’est pas complètement erronée. Mais le plus inquiétant dans cette enquête, c’est que le gaspillage y est considéré avec un certain fatalisme, comme étant une conséquence inévitable de notre mode de vie.
Des gestes simples
Or, il est possible, à notre niveau, d’inverser la tendance. Il suffit, pour cela, d’adopter les bons gestes: acheter des quantités adaptées à ses besoins, faire une liste de courses afin d’éviter les achats impulsifs (ceux-ci peuvent représenter jusqu’à 70% de nos choix de consommation), bien conserver les restes et apprendre à les accommoder, respecter la chaîne du froid, diviser et, si possible, congeler les aliments vendus en grande quantité, ne pas jeter trop vite les aliments soi-disant périmés, ranger logiquement les aliments au réfrigérateur, préférer les fruits et les légumes de saison, opter pour les aliments à la coupe ou en vrac, ce qui permet d’acheter la quantité juste…(*) Des mesures qui peuvent sembler dérisoires, mais dont les effets sont spectaculaires, les ménages jetant à eux seuls plus que les transformateurs et les supermarchés réunis.
Pascal ANDRÉ
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