Ce 4 septembre, les présidents allemand et français sont ensemble à Oradour-sur-Glane. Une visite d’Etat historique pour ce village français martyr de la barbarie nazie.
Avec la visite de Joachim Gauck, Président de la république fédérale d’Allemagne, c’est la première fois qu’un dirigeant de ce rang d’outre-Rhin vient se recueillir dans le « village martyr » d’Oradour-sur-Glane à l’occasion d’une visite officielle. Dans ce bourg paisible du Limousin, à 22 km à l’ouest de Limoges, fut perpétrée une des pires atrocités nazies dans la France occupée. Le 10 juin 1944, une compagnie de la division Das Reich y massacra la population et incendia tout le village. 642 personnes furent ainsi tuées, dont plus de 400 femmes et enfants enfermés dans l’église qui se transforma pour eux en bûcher.
Pour le président français François Hollande, cet événement historique, qui a lieu en présence des familles et des survivants, est un symbole. « Le symbole d’une histoire, d’un passé qui se regarde en face, d’une vérité qui doit être dite, prononcée, proclamée, reconnue ».
Une telle visite de la part du président allemand ne surprend pas. Ancien pasteur luthérien, ancien militant des droits de l’Homme en ex-RDA, Joachim Gauck, s’est toujours montré très soucieux de l’ « importance d’une mémoire réconciliée ». Il s’est déjà rendu en tant que président sur plusieurs sites de massacres nazis, notamment à Lidice, près de Prague, mais aussi en Toscane, demandant le pardon pour les fautes de l’Allemagne hitlérienne.
Réticences
Robert Hébras, l’une des rares victimes qui a survécu à un tel drame, mesure la valeur d’une telle visite mais n’attend pas de demande de pardon de la part du président allemand. « Pardon, c’est un grand mot », déclare-t-il dans le journal la Croix. « Il faut savoir d’où on le dit et comment on le dit. Ceux qui peuvent le demander sont ceux qui ont exécuté les habitants. De toute façon, ce n’est pas quelque chose d’important pour moi. Ce qui est plus important, c’est que Joachim Gauck honore la mémoire des victimes et qu’il y ait une reconnaissance de la part du peuple allemand de ce qui s’est passé là. » Une reconnaissance d’autant plus nécessaire que cet épisode de l’histoire est quasiment inconnu des allemands.
Le rescapé témoigne aussi du fait que, même près de 70 ans après le drame, les plaies ne sont pas encore complètement cicatrisées à Oradour. Si une telle visite n’a pas eu lieu avant, c’est parce qu’il y avait encore pas mal de réticences.
Mais le temps semble faire son œuvre, surtout quand il est accompagné de geste et d’actes. Ainsi, le chancelier Gerhard Schröder avait évoqué deux fois publiquement le village martyr dans ses discours. Tandis qu’un magistrat allemand, à Dortmund, a ouvert une enquête sur Oradour-sur-Glane par dans le cadre d’une instruction menées sur les crimes de guerre.
Pour l’historienne allemande Andrea Erkenbrecher, si Oradour est aussi un terrain de réconciliation aussi délicat, c’est parce qu’il a longtemps été au cœur d’une problématique franco-française. D’un côté, entre le village et l’État français; de l’autre entre le Limousin et l’Alsace en raison des soldats d’origine alsacienne, les « malgré-nous », qui ont participé au massacre. Une telle visite ne manquera pas de reposer cette question en Allemagne. Ces « malgré-nous » attendent aussi un message du président Gauck.
Pierre GRANIER (avec La Croix)