Dans un entretien accordé à "Humo", Bart De Wever a proposé la construction d'une prison au Maroc pour y envoyer les ressortissants marocains emprisonnés en Belgique. Une proposition qui, en plus d'être complètement irréaliste, flirte avec les idées de l'extrême droite.
Bart De Wever persiste et signe: après s'en être pris aux fonctionnaires, aux consommateurs de cannabis, aux sans-papiers et aux chômeurs, c'est à présent aux prisonniers marocains qu'il s'attaque aujourd'hui. Dans une interview accordée à l'hebdomadaire flamand Humo, le président de la N-VA a expliqué que s'il était ministre de la Justice, il aurait déjà essayé depuis longtemps de construire belge au Maroc pour y envoyer les quelque 1.200 ressortissants marocains détenus chez nous. Ces chiffres sont-ils crédibles? L'idée tient-elle la route ou s'agit-il simplement d'une stratégie pour grappiller des voix au Vlaams Belang?
La prison reste la peine des pauvres
Concernant les chiffres, tout d'abord, les Marocains sont effectivement les plus représentés parmi les 44% d'étrangers détenus dans nos prisons. Mais ils ne seraient actuellement plus que 800, selon la ministre de la Justice, Annemie Turtelboom. Le bourgmestre d'Anvers ferait donc bien de se renseigner avant d'avancer de tels chiffres dans la presse. Se pose toutefois la question de savoir pourquoi les Marocains sont si nombreux dans nos prisons. Pour Philippe Mary, criminologue à l'ULB, le fait qu'il y ait beaucoup de Maghrébins derrière les barreaux n'implique nullement une plus grande criminalité dans cette communauté. En fait, la variable socio-économique est beaucoup plus déterminante que la variable ethnique. Entre 80 et 90% des détenus proviennent d'un milieu défavorisé. La prison reste donc majoritairement la peine des pauvres.
L'exemple italien
Quant à l'idée de construire une prison au Maroc, elle est tout simplement irréaliste. Pour preuve, l'Italie a fait construire un centre de détention en Albanie pour y envoyer des détenus albanais. Non seulement, cette prison lui a coûté quelque 8 millions d'euros, mais elle n'a en tout et pour tout accueilli qu'une trentaine de prisonniers depuis 2003. L'Italie a finalement abandonné son projet.
De plus, il faut savoir qu'un accord a été conclu en 2007 entre la Belgique et le Maroc. Celui-ci permet le transfèrement de détenus de nationalités marocaines vers leur pays d'origine en vue d'y purger le solde de leur peine, mais cela moyennant toute une série de conditions. En effet, cet accord ne concerne que les détenus bénéficiant de la seule nationalité marocaine et n'ayant pas de titre de séjour. En outre, la Belgique exclut de ces transfèrements forcés les détenus, dont le dossier prévoit des possibilités d'obtenir un titre de séjour, la nationalité belge ou qui disposent en Belgique d'attaches durables. Les personnes en détention préventive ne sont pas non plus concernées. Ces critères cumulés réduisent donc considérablement le nombre de détenus marocains passibles d'extradition.
Bart De Wever se radicalise
Dès lors, quel est l'objectif poursuivi par Bart De Wever en lançant cette idée? Faire parler de lui, bien sûr, mais aussi grappiller des voix au Vlaams Belang. C'est d'autant plus évident que cette proposition avait déjà été faite par le parti extrémiste flamand il y a deux ans. En la reprenant à son compte, le président de la N-VA fait donc basculer un peu plus encore l'échiquier politique vers l'extrême droite. Ce qui n'augure rien de bon pour l'avenir, l'opinion publique étant souvent beaucoup plus sensible aux propos racistes et xénophobes en période de crise qu'en période de croissance.
Pascal ANDRE