Des protagonistes qui sont des anti-héros, peu d'amour vrai, de la brutalité, une recherche effrénée du pouvoir…Des journaux et des sites confessionnels s'interrogent sur le caractère immoral - ou non - de cette œuvre fantastique à succès, dont la première saison a été diffusée sur la Deux (RTBF) au printemps dernier.
Connue pour sa violence et ses nombreuses scènes de sexe, la série télévisée culte "Game of Thrones" fait débat aux Etats-Unis depuis son lancement il y a trois ans, rapporte le 7 juin 2013 le site du quotidien français "Le Figaro".
"Un chrétien peut-il regarder 'Game of Thrones' ?" C'est le titre d'un article très sérieux du journaliste David Gibson, spécialiste des questions religieuses, diffusé sur le site des grands quotidiens américains "USA Today" et "Washington Post". Depuis le lancement, il y a trois ans, de l'adaptation télévisée des romans de George R.R. Martin, cette question fait l'objet d'une véritable discussion aux Etats-Unis. Presse et blogosphère chrétienne (dans un pays où le laïcisme n'est pas la norme, elles ont une certaine importance) mènent, en effet, une réflexion philosophique et théologique sur la série fantastique devenue phénomène de société.
"Pourquoi les chrétiens devraient-il regarder 'Game of Thrones'? Il n'y a aucune raison de le faire, et certains trouveront la débauche gratuite de sexe et de violence dangereuse et destructrice", s'exclame "The Living Church", un magazine lié à l'Eglise épiscopale (branche américaine de l'Eglise anglicane), qui met en garde ses lecteurs contre ce monde - certes captivant - mais "sombre, froid, brutal et déprimant". "Un des aspects qui me désespère c'est la façon dont Martin traite le sexe. C'est une représentation crue, presque dégoûtante et parfois même bestiale. (...) Il y a très peu d'amour vrai", regrette un internaute sur le site spécialisé Patheos . "Tous les protagonistes sont des anti-héros. C'est le mal qui combat un plus grand mal", analyse le site St Peter's list , qui dénonce l'absence de sens moral d'une série qui confondrait l'honneur avec la vertu.
Univers impitoyable
Il est vrai que l'univers impitoyable de Game of Thrones laisse peu de place à la bonté. Les personnages les plus nobles ne résistent pas longtemps, corrompus par la nécessité ou décapités par elle. La fin n'a jamais autant justifié les moyens que dans cette société où, comme le dit le Machiavel Lord Baelish: "Le chaos est une échelle. Seule l'échelle est réelle. Seule l'ascension importe". Violence, sexe, traité ou traîtrise, il ne s'agit que d'échelons à gravir en direction du trône de fer. D'où la brutalité inhérente au récit. Certains se félicitent d'ailleurs de cette peinture implacable qui aurait le mérite de montrer l'état de la société "si elle était restée païenne et n'avait jamais eu l'influence du christianisme".
Moins simplistes, d'autres analystes louent le réalisme de la série qui "n'est pas une bête histoire de ‘bien contre le mal', mais pose, au contraire, de vrais dilemmes éthiques qui invitent à différentes réponses". Être chrétien, expliquent-ils, ne consiste pas à se voiler les yeux mais à regarder en face les vicissitudes de l'humanité.
Pas immorale pour autant
Par ailleurs, si elle ne se prive pas d'exposer l'immoralité, la série n'est pas immorale pour autant. Certes, George R.R. Martin n'offre pas la facilité d'une identification "héros/méchant" bien tranchée. Mais c'est là toute la richesse de son œuvre: prouver qu'un nain peut être un grand homme, qu'un chien féroce est capable de douceur et que le plus égoïste des régicides peut se révéler altruiste. "Cela sonne vrai pour les chrétiens. (...) Il n'est pas exclu que la grâce s'étende aux pécheurs, leur permettant de poser des actes bons même dans leur champ limité", se réjouit un contributeur de Patheos. "Le salut n'est pas le privilège de quelques élus. Et, comme l'horreur, l'espoir peut surgir des endroits les plus inattendus", confirme le jésuite Jim McDermott, sur le site America Magazine.
Un autre catholique, l'animateur de talk show Hugh Hewit, n'hésite pas, quant à lui, à conseiller aux chrétiens de "se plonger dans cette culture". "Game of Thrones est indéniablement violent et pornographique, donc ceux qui ont des problèmes avec ça ne devraient pas le regarder. Mais si vous êtes mûrs, foncez".
apic/lefigaro