L'exhortation "Ecclesia in Europa", prononcée par Jean-Paul II, a dix ans. Le pape insistait sur le fait que l'Eglise en Europe devait être une Eglise pour l'Europe. En ces temps de crise économique, doublée d'une crise de confiance, et à un an des élections européennes, ce message d'espérance résonne avec encore plus d'acuité.
Lorsque Jean-Paul II publia son exhortation apostolique post-synodale "Ecclesia in Europa", le 28 juin 2003, les responsables politiques de l'Union européenne se déchiraient sur la question de savoir s'il fallait reconnaître l'héritage chrétien dans la Constitution européenne alors en cours d'élaboration. Fort opportunément, le pape avait donc pris soin dans son texte d'interpeller directement les rédacteurs du futur traité constitutionnel pour que, dans ce dernier, figure une référence au patrimoine religieux et spécialement chrétien de l'Europe. Il ne fut pourtant pas entendu sur ce point.
Mais on ne peut réduire cette exhortation à cela. Car c'est d'abord à tous les chrétiens en Europe que Jean-Paul II s'adressait, en proposant ce que l'on peut considérer comme un véritable plan de ré-évangélisation (voire de première évangélisation dans certains cas) envers les contemporains éloignés de Dieu.
Issue du synode des évêques européens organisé en octobre 1999, cette exhortation commence par une analyse de la situation, dans laquelle Jean-Paul II parle d’agnosticisme pratique, d'indifférence face à la religion, de "relativisme" et même d'oubli de Dieu. Il souligne aussi une société qui a "peur d’affronter l’avenir" et où la solidarité décline.
Crise de confiance
De ce point de vue, rien n'a changé dix ans après. Sous l'effet de la crise, les choses ont même empiré, en particulier dans des pays comme la Grèce ou l'Espagne. Au point que c'est une vraie crise de confiance qui menace aujourd'hui l'Union européenne. "Je pense qu'on doit envisager le risque d'échec de ce projet", affirmait récemment, sur le site de la Conférence des évêques de France, Johanna Touzel, porte-parole de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne (COMECE). Et d'appeler à la responsabilité des chrétiens, au nom de Robert Schuman (dont la cause en béatification est en cours) pour faire en sorte que ce projet européen, auquel le "Christianisme a donné sa forme, y faisant pénétrer certaines valeurs fondamentales", relève l'exhortation du pape, ne se détourne justement pas de ces valeurs.
Dans l'appel final du texte, le pape défiait donc les chrétiens d'aider à réaliser le processus d'intégration et de réconciliation au moyen d'un "dialogue théologique, spirituel, éthique et social". Guidées par l'Espérance, les paroles de Jean-Paul II ont, 10 ans après, gardé toute leur acuité et leur force d'entrainement. Il suffit de les relire: "Europe du IIIème millénaire ne cède pas au découragement, ne te résigne pas à des modes de penser et de vivre qui n’ont pas d’avenir, car ils ne sont pas fondés sur la ferme certitude de la Parole de Dieu (…) Je te le répète encore aujourd’hui: Europe qui es au début du IIIème millénaire: retrouve-toi toi-même. Sois toi-même. Découvre tes origines. Avive tes racines."
Pierre GRANIER