« Le prix du pain »


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« Le prix du pain »
Par Pierre Granier
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
3 min

Dans son documentaire "Le prix du pain", Yves Dorme peint quatre portraits de la pauvreté dans la Belgique d'aujourd'hui. Un film sans misérabilisme, qui nous montre au contraire des gens qui ont le courage et la force de se relever.

Diffusé sur la RTBF en fin d'année dernière, ce documentaire continue désormais de vivre dans certaines salles de cinéma*, via le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP). Pour le réaliser, Yves Dorme est allé dans la province du Luxembourg. Il y a rencontré des gens, jeunes ou âgées, avec ou sans enfant, chômeur, travailleur ou pensionné… bref autant de visages de ce qu'est la pauvreté aujourd'hui et qu'il a filmés dans leur quotidien, sans aucun misérabilisme.
On découvre ainsi Michaël et Elodie, un jeune couple vivant dans une caravane. Il leur reste 5 euros pour tenir la dernière semaine du mois. Lui a fui des parents qui battaient leurs enfants. Sa richesse c'est son scooter mais ce n'est pas sûr que cela lui permettra d'avoir un travail.
Cela dit, on peut aussi travailler et être pauvre. C'est le cas de Patrick, boucher, qui ne se considère pas comme pauvre, mais rentre "dans les statistiques". Sa compagne a connu la très grande pauvreté. Mais elle a réussi à s'en extraire et à construire un foyer après avoir vécu "dans la rue" avec son père. "Mon père était clodo dans le troupeau des SDF, et je n'ai pas honte de le dire", confie-t-elle avec cette voix qui trahit un passé qui a du être particulièrement difficile. Ses joies sont simples: grâce à un intérim, elle a pu s'offrir un percolateur.
Il y a aussi Geneviève, une mère isolée avec 5 enfants. "Le pain, c'est déjà un budget, alors deux pains par jour…" dit-elle. Un cahier pour faire les comptes, l'aide de l'assistante sociale, elle ne se plaint pas mais confie combien c'est dur. Se plaindre, elle laisse cela à son aîné, qui en joue. On sourit. Mais cet humour ne cache pas une politesse du désespoir. Il y a de la vie dans cette famille, pas de la résignation. Dans la fratrie, on jauge l'état de ses chaussures pour aider maman à faire son budget.

L'énergie "de joindre les deux bouts"

Et puis il y a Guy, un ancien commerçant ruiné. Il a possédé jusqu'à six magasins à Liège. Et tout s'est écroulé au point de finir à la rue. Et la rue, "ce n'est pas gratuit", explique-t-il. "Pour avoir deux mètres de trottoir, il faut payer pour sa sécurité". Aujourd'hui, Guy a retrouvé un logement à Marche-en-Famenne. Il peint, mais sa hantise est de perdre son instinct de survie.
Tous ces personnages, Yves Dorme les a choisis à dessein. Ce sont des gens dont les traits sont marqués par la très grande pauvreté qu'ils ont vécue, mais qui ont la volonté de s'en sortir, de se reconstruire. Tous sont tombés si bas qu'ils ne craignent désormais plus de s'exprimer et ils le font font avec beaucoup de sincérité, de pudeur et de lucidité. Le réalisateur filme simplement l'énergie qu'ils mettent pour pouvoir nouer les deux bouts, et la difficulté qu'ils ont pour retrouver une dynamique après la fracture qu'ils ont subi avec la vie "normale". Une vie qui ne ressemble pas à un enfer; le film est même plein d'espérance. Mais une vie qu'il faut sauver de l'effacement.

P.G.

* Le film est en ce moment programmé au cinéma Aventure, à Bruxelles (jeudi 25 avril à 17h40 - vendredi 26 avril à 21h - samedi 27 avril à 17h40 - dimanche 28 avril à 21h - lundi 29 avril à 17h40 - mardi 30 avril à 14h). D'autres projections sont prévues un peu partout en Belgique. Infos sur la page Facebook (https://www.facebook.com/LePrixDuPain)

Catégorie : Culture

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