JMJ Rio : Ces prisonniers qui fabriquaient des chapelets…


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JMJ Rio : Ces prisonniers qui fabriquaient des chapelets…
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
4 min

Trois mois avant le début des Journées Mondiales de la Jeunesse 2013 à Rio de Janeiro, les préparatifs vont bon train au Brésil. Y compris dans la prison de Brasilia, la capitale, où des détenus produisent des chapelets et autres colliers de prières…

Centre de Détention Provisoire (CDP) de Brasilia, capitale du Brésil.

Manipulant avec dextérité une paire de pinces, Thiago, uniforme, tongs blanches et tatouage de Jésus sur l’avant-bras, met un point final à la fabrication du collier de prière. Ce robuste gaillard de 28 ans vérifie ensuite si le montage du bijou est conforme à la demande : 20 perles de cristal jaunes, 33 vertes et 6 bleues, les couleurs du Brésil, le Christ rédempteur en plaqué or en guise de croix et, le plus important, une médaille en forme de cœur représentant le logotype des prochaines JMJ. Satisfait du résultat, Thiago dépose délicatement son produit sur le coin de la table et se signe avant de se lancer dans la confection d’un autre exemplaire.

Depuis plusieurs mois déjà, toutes les forces vives de l’Eglise catholique brésilienne sont mobilisées pour organiser les JMJ qui devront attirer plus de 2 millions de participants. Un branle-bas de combat auquel le secteur du merchandising n’échappe pas. Tee-shirt, casquette, sacs, porte-clés, bracelets, médailles, broches et bien sûr bijoux religieux … Les produits dérivés de l’évènement sont nombreux et les entreprises qui les fabriquent triées sur le volet. Parmi elles, Jabuti Objets Religieux.

Cette entreprise a été créée en 2005 par Luis Kelmon, un habile artisan, ancien missionnaire de la Congrégation des Légionnaires du Christ et fondateur de la communauté catholique Theotokos. Luis Kelmon a toujours rêvé d’acquérir un lieu qui puisse abriter cette communauté. C’est dans ce contexte qu’en fin 2012, il a reçu, de la part des organisateurs des JMJ, une première commande de 40'000 chapelets, bracelets et autres colliers de prière. "Comme j’ai toujours été habitué à travailler seul ou presque, mon premier réflexe a été de me dire qu'il était impossible de répondre à cette demande, car je ne voyais pas comment résoudre le problème de la main d’œuvre", explique Luis Kelmon."Et puis j’ai fini par accepter … en m’en remettant à la grâce de Dieu!"

Les prières de Kelmon ont été exaucées dès la semaine suivante, lorsque son chemin a croisé celui de Paulo Fernando Melo. Avocat spécialiste en droit électoral, surnommé "le député n° 514" (n.d.l.r. le Parlement brésilien ne compte que 513 élus) pour sa présence, discrète mais efficace, dans les arcanes du pouvoir, ce quarantenaire au regard déterminé lutte pour défendre les valeurs du catholicisme et pour défendre la vie.

Paulo Fernando Melo a ainsi sollicité la Fondation chargée de l’Aide au Travailleur en Prison (FUNAP), une institution rattachée au Secrétariat d’Etat chargé de la Justice, des Droits de l’Homme et du Citoyen, dont la mission est de "contribuer à la réinsertion sociale du prisonnier et à ses conditions de vie." Il est parvenu à convaincre sans difficulté l’administration pénitentiaire de faire travailler, sur la base du volontariat, des détenus (ils sont 50 depuis janvier 2013) en attente de peine à la fabrication d'objets religieux.

"Cette main d’œuvre a l’avantage d’être très peu coûteuse", admet Paulo Fernando Melo. "Les détenus sont rémunérés à la pièce, conformément à l’article n°29 de la loi n° 7.210/84 d’exécution pénale", confirme, de son côté, Verlucia Moreira Cavalcante, l’une des responsables de la FUNAP.

En plus de la rémunération, chaque trois jours travaillés les détenus bénéficient d’un jour de remise de peine. Une motivation alléchante…

"Se dire qu’en travaillant on peut sortir plus tôt, c’est primordial pour le moral", témoigne Gleber, 32 ans, en attente de son jugement pour attaque à main armée. Mais pas seulement. Car, "fabriquer ces colliers et ces chapelets nous permet aussi de ne pas rester enfermés toute la journée dans nos cellules, que nous appelons entre nous le 'bureau du démon'", ajoute Roberto, 31 ans, détenu depuis un an et demi pour trafic de drogue.

"La dimension spirituelle et évangélisatrice d’un tel travail constitue un réconfort pour ces détenus en grande détresse morale. D’autant que nous sommes dans un lieu où l’Eglise est quasiment inexistante", rappelle Luis Kelmon qui rythme les journées de six heures de travail des détenus par des pauses régulières pour prier, chanter et lire la Bible.

La présence de l’Eglise catholique est très rare dans cette prison de Brasilia. A l’image de la Pastorale carcérale, confrontée à une absence des vocations et de moyens…

Apic

 

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