65 ans après son indépendance, ce pays d’Asie du sud-est commence un renouveau tant du point de vue politique que religieux. L’Aide à l’Eglise en Détresse (AED) a rencontré Mgr Bo, archevêque de Rangoun; celui-ci souligne qu’effectivement certaines choses ont changé et que la Birmanie se trouve maintenant à un tournant de son histoire.
La Birmanie ou Myanmar est un pays où se vivent de multiples rebondissements ethnico-religieux et politiques. En janvier 1948, alors qu’il est encore uniquement appelé Birmanie, ce pays obtient son indépendance du Royaume-Uni. Se vit ensuite en Birmanie une succession de luttes pour l’obtention du pouvoir. Entre régime militaire empêchant tout développement démocratique depuis 1962 et mise en résidence surveillée de son leader charismatique, Aung San Suu Kyi, jusqu’en 2010, dont le parti remportera finalement 40 sièges sur 45 au Parlement en 2012, les Birmans se sentent pas mal bousculés dans leurs convictions politiques et/ou religieuses.
Environ 85 pour cent des 55 millions d’habitants du Myanmar sont bouddhistes et 7% sont chrétiens. Selon Mgr Bo, les catholiques représentent 1,3% de la population, c’est-à-dire quelque 750.000 fidèles. Le taux de musulmans avoisine quant à lui les 4%, tandis que celui des hindous est inférieur à 1%.
Pourriez-vous nous donner un bref aperçu de l’Église catholique en Birmanie? Quels sont les défis majeurs et les principaux besoins de votre pays?
Nous sommes 750.000 catholiques dans seize diocèses, ce qui constitue 1,3% de la population totale. Sous le régime militaire des quarante dernières années, nous sommes parvenus à toucher toutes les régions du pays avec nos activités socio-caritatives, notamment grâce au travail bien organisé de Karuna, l’organisation Caritas de Birmanie. Les plus grands défis se situent dans l’éducation des gens, autant au niveau de leur croyance et de leur intellect que dans la création d’aptitudes. Après 40 ans d’oppression, puisque nous vivons maintenant une certaine libération, nous devons à présent nous forger une conception claire de la « liberté ».
Quel rôle la religion joue-t-elle actuellement ? Les Églises chrétiennes et le message chrétien sont-ils perçus plus fortement?
Les dirigeants politiques sont beaucoup plus conscients du fait que les religions doivent participer à la construction d’une nation. Le gouvernement actuel et Aung San Suu Kyi, figure leader de l’opposition politique, connaissent l’influence des dirigeants religieux dans le pays. Nous autres dirigeants de l’Église catholique et des autres Églises chrétiennes connaissons parfaitement la situation actuelle. Il a beaucoup été débattu de la manière dont nous pourrions contribuer à la construction de la nation par les valeurs, la réconciliation, le pardon et l’intégrité.
La plupart des Birmans sont bouddhistes. Comment décririez-vous la relation entre les différentes religions de votre pays ? Comment se déroule votre coopération?
Au cours des quarante dernières années, le régime militaire n’a pas encouragé la coopération entre les différentes religions. Celles-ci étaient considérées avec suspicion. Les réunions étaient synonymes de menace pour le régime. Mais à présent, nous nous sentons plus libres et espérons que la coopération entre les différentes religions pourra être encouragée. Actuellement, il y a certes des obstacles, notamment le conflit qui existe entre musulmans et bouddhistes. La situation ne s’est pas améliorée.
La population et le gouvernement birmans doivent relever de nombreux défis. Comment percevez-vous l’avenir de votre pays?
Oui, le pays se situe vraiment à un tournant. Beaucoup de gens le perçoivent de manière positive, d’autres avec inquiétude. Le changement survient, et ce très rapidement. Un tel changement rapide doit être réalisé prudemment, sinon on risque la dérive. Il y a beaucoup de raisons de s’inquiéter: la guerre civile entre les soldats du gouvernement et le groupe ethnique Kachin, le conflit entre musulmans et bouddhistes. Et il y a aussi les étapes difficiles dans la construction de la paix et de la réconciliation, dans la lutte contre la pauvreté, dans la création d’aptitudes. Pendant si longtemps, nous n’avons eu aucune organisation dans ces domaines. Il faut maintenant s’en occuper.
AED/SB