RDC : panique et angoisse à Goma


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RDC : panique et angoisse à Goma
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
5 min

Copyright photos: Béatrice Petit

« Trois bataillons de soldats rwandais ont débarqué cette nuit, je les ai vus passer la frontière en camions », rapporte un observateur international le 16 décembre. Je cherche donc à les repérer et aperçois certains d’entre eux, dans la zone transfrontalière, théoriquement neutre où ils ont installé des tentes. Sous nos yeux, certains se changent pour enfiler des tenues civiles et passer ainsi incognito en territoire congolais préparer le terrain.

Des exactions sordides

Les balles crépitent dans les quartiers, semant la terreur, tandis que les négociations entre le gouvernement congolais et les mutins piétinent. Sur place, la vie est chaque jour plus difficile. Le 18 décembre, des bandits armés ont encore attaqué un fourgon de la banque BIAC, emportant un million de dollars au Rwanda. Poursuivis, ils ont abandonné leur véhicule et ont été accueillis par des policiers rwandais, qui ont aussitôt fermé la barrière frontalière. Lors de la prise de Goma, des centaines de véhicules volés avaient déjà pris soit cette direction, soit celle de l’Ouganda, autre parrain de la rébellion (ndlr : rappelons que ce pays, comme le Rwanda, est accusé ausii par l’ONU de soutenir le M23). Les pillages, par millions de dollars, les tueries et les viols continuent. Tous les services publics ont été dévalisés, saccagés de fond en comble. Et pas seulement. Au camp militaire de Katindo, les mutins, ont violé les épouses des militaires revenues chercher leurs vêtements et, en partant, déposé une grenade sur le tabernacle dans l’église. Ailleurs et plus récemment, un prêtre transportant le salaire d’enseignants, soit quelque 200.000 dollars, a été violemment dépouillé.

Les M23 ne sont hélas pas les seuls à se distinguer par leurs exactions : quelque 1300 prisonniers lâchés dans la nature par leurs bons soins, courent toujours. Excédés et poussés par les rebelles, des habitants de Goma en sont venus à faire justice eux même en brûlant vives au moins neuf personnes suspectées de banditisme.

La police congolaise est démunie, la plupart des agents n’ont pas d’arme et sont terrorisés notamment par l’assassinat récent de leur commissaire. Certains implorent déjà la Monusco de les évacuer.

Comment protéger les civils ?

Copyright photos: Béatrice Petit

De source militaire, des armes lourdes ont été installées aux portes de Goma, en direction de Rutshuru. Les rebelles ne manquaient déjà de rien puisqu’ils avaient volé à l’armée congolaise une vingtaine de containers remplis d’armes et de munitions.

A la suite des exigences du M23, seul un bataillon a été autorisé à revenir à Goma, après la débâcle des troupes régulières des FARC (Forces armées de la République démocratique du Congo). Impossible de défendre une ville d’un million d’habitants dans ces conditions, avec seulement 800 soldats ! Encore faudrait-il qu’ils puissent protéger la population : récemment, un ministre congolais avait fait organiser une distribution de bâches et vivres dans le camp de Mugunga 1. Une heure après son départ, des camions ont repris manu militari ces dons, nécessaires à la survie des déplacés !

Il ne faut pas compter non plus sur les casques bleus onusiens, taxés non sans raison de « touristes militaires » par le Président ougandais Museveni. La plupart sont Indiens et il se murmure qu'ils auraient négocié leur engagement, moyennant la promesse de ne pas se battre au sol. Pire, la Monusco elle même serait infiltrée en haut lieu par des soutiens aux rebelles et à leurs parrains, prétendent certains observateurs.

Les Congolais craignent une balkanisation du pays, suspectant même un arrangement en ce sens entre les présidents Kabila et Kagamé. « Nous suspectons des accords secrets sur la balkanisation du pays », commente sur son lit d’hôpital, un père de famille, pleurant la mort de deux de ses enfants ; lui même amputé d’une jambe et de deux doigts à la suite d’un obus tombé sur leur maison lors de la prise de Goma.

En attendant, un demi million de personnes, poussées par la violence depuis la reprise de affrontements entre les rebelles pro rwandais et l’armée congolaise, sont venues grossir le flot des sans abri dans des conditions infra humaines, comme le dit Mgr Kaboy, évêque du lieu.

A quand une réaction plus engagée de la communauté internationale et de la Belgique en particulier ? Il suffirait de 2000 vrais soldats, disent certains, et surtout d’une volonté politique....

Béatrice Petit

Copyright photos: Béatrice Petit

Des actes, vite !

Le conflit dans l’Est s’enlise, au détriment des populations civiles, victimes d’exactions inacceptables. Si les pressions internationales se font de plus en plus virulentes à l’égard de Kigali, accusé de soutenir les rebelles, les actes ne sont pas encore joints aux paroles. Récemment, le président américain Obama a clairement enjoint Paul Kagamé et le régime rwandais de cesser toute aide logistique ou autre au M23. Sera-t-il entendu ? On peut, on doit l’espérer. Notre ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, a lui haussé le ton, tout comme Paris. Mais… jusqu’ici, aucune décision forte permettant d’espérer la fin d’un conflit qui fait des milliers de morts, de personnes meurtires à jamais, des orphelins et des déplacés, pris en otage par les combats. Et le gouvernement de Kinshasa semble bien démuni, ayant sans doute trop espéré de la communauté internationale..

La Conférence des évêques congolais (CENCO) a aussi appelé à la paix et à la lutte pour l’intégralité du territoire. Elle a initié différentes actions à travers ce pays, grand comme un continent. Et ces actions ont été largement soutenues par la population congolaise. Partout, les Congolais tentent d'alerter une opinion internationale qui semble, à leurs yeux, indifférente, surtout au niveau des responsables politiques. Ainsi, en Belgique, l’ambassade de la République démocratique du Congo (RDC) a appelé notre pays à prendre des sanctions contre le Rwanda et l’Ouganda, notamment en suspendant l’aide au développement octroyée à Kigali et à Kampala, et à revoir les recommandations de la commission Rwanda, qui interdisent l’envoi de troupes belges en Afrique centrale.

Relayant l’appel à l’aide émanant du gouvernement de Kinshasa et du président Joseph Kabila face à l’action des mutins du M23, l’ambassade a édité ce 19 décembre une brochure intitulée "Appel à l'action envers la RD Congo", dans laquelle elle appelle « la communauté internationale, à travers la Belgique à s’impliquer dans la crise en RDC par des actes concrets ». La diplomatie congolaise demande aussi une collaboration accrue pour aider à la réforme des services de sécurité et de l’armée congolaise.

Par ailleurs, Mgr Kaboy, évêque de Goma a appelé à une neuvaine de prière au "Prince de la Paix". Lire le texte de l'évêque.

Il y a urgence. Puissent tous les appels à la paix être entendus !

JJD

Catégorie : L'actu

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