Tombé dans l'oubli, le peintre Permeke a retrouvé, cet automne, le chemin de la notoriété avec une exposition emblématique au Bozar. L'occasion de (re)découvrir l'un des maîtres de l'expressionnisme belge.
Né à Anvers en 1886, Permeke est le fils du peintre et conservateur du musée d'Ostende, Henri-Louis Permeke. Ayant choisi dès son plus jeune âge de se consacrer à la peinture, il expose pour la première fois à l'âge de 19 ans. Aux côtés de Théo van Rysselberghe, Constant Permeke devient rapidement l'une des figures emblématiques de la deuxième vague des artistes rassemblés à Laethem-Saint-Martin, ce village gantois particulièrement prisé des artistes peintres. Déporté en Angleterre avec sa jeune épouse durant la Première guerre, Permeke y connaîtra les joies de la paternité. Le choc du retour dans une Belgique dévastée sera d'autant plus grand que Permeke a choisi de vivre de sa peinture. Un pari in fine réussi pour celui qui connut le sacre des expositions internationales, avec Paris, Berne, Dresde et Venise dès 1926. La maison qu'il construira à Jabbeke, De vier winden (les quatre vents), sera d'ailleurs transformée en musée à son décès. C'était il y a 60 ans.
Un terroir devenu territoire
Les thèmes majeurs de la peinture de Permeke sont immédiatement perceptibles dans cette rétrospective : il s'agit de la mer et de la terre, en lien direct avec son environnement familial. Né à Ostende, c'est tout naturellement qu'il représente l'élément naturel aquatique. La mer est vaste et elle occupe une part majeure des tableaux de la première partie de son œuvre. Mais elle n'est pas seule. Permeke y représente aussi la multitude installée à proximité : pêcheurs, femmes de marins, tous ces gens qui dépendent de l'océan pour leur survie, depuis des générations. Les paysans de la campagne avoisinante de Jabbeke ne sont pas oubliés. Permeke s'est même approprié la terre qu'ils cultivent comme couleur de sa palette. Les tonalités sont parfois chaudes, souvent grisâtres, ternes, brunâtres. C'est tout le peuple rural qui défile, dans ces instantanés du quotidien. Le peintre les donne à voir dans leurs occupations les plus simples : mangeant, buvant, dormant, etc.
Sa femme, muse de son art
Permeke ose aussi exalter le corps féminin. De ces courbes, il ne fait pas des Vénus. La femme donne la vie, elle symbolise la fertilité. Le peintre belge n'hésite pas à dénuder la mère de ses six enfants pour souligner, sans idéaliser, ce côté fécond. De même, ses sculptures, de gigantesques statues, ont les pieds fermement campés sur le sol. C'est du reste sur une ultime évocation intime de son épouse que la rétrospective se clôt, avec le lit de mort de celle-ci. Elle avait débuté avec un portrait impressionniste de la jeune fiancée, vue de dos.
Peintre prolifique, Constant Permeke n'hésitait pas à reprendre ses tableaux pour les retravailler. Dans un souci d'authenticité, les variations et corrections n'éclipsaient jamais les premières traces du travail. Ce peintre a réussi le pari de prêter une dimension universelle aux habitants de sa Flandre natale. La lumière habille ses paysages, loin de la nuit éternelle.
Angélique TASIAUX
L'expo est accessible jusqu'au 20 janvier 2013 au Bozar, palais des Beaux-Arts de Bruxelles – Infos : tél. 02. 507 82 00 – www.bozar.be