Expo: Un fou peut en cacher un autre


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Expo: Un fou peut en cacher un autre
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
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Associé au Musée Félicien Rops et à la Maison de la Culture de Namur pour aborder le thème de la folie dans l'art, le Musée des Arts anciens du Namurois propose une exposition richement documentée sur les images de la folie, du Moyen Âge au siècle des Lumières, et ce jusqu'au 6 janvier 2013.

Au Moyen Âge, le fou est tout à la fois un possédé, un malade, un marginal ou un élu. Il relève tantôt de la médecine, tantôt de la justice. Il côtoie et amuse les rois, ou se retrouve sur les routes de pèlerinage conduisant aux sanctuaires spécialisés dans la guérison des maladies mentales. Bref, le fou est divers. Cette diversité de la folie a autant intéressé les théologiens que les philosophes; les écrivains que les médecins. Et les artistes aussi, puisqu'une abondante imagerie sur la, ou plutôt les folies, est parvenue jusqu'à nous et dont de très nombreuses œuvres, tableaux, manuscrits, sculptures et gravures, se retrouvent dans l'exposition namuroise.

Malade ou possédé?
Les représentations de la folie nous informent sur les préoccupations philosophiques, religieuses, morales ou médicales du moment. Ainsi, ce bouffon du roi, doté d'une parole que nul n'oserait contredire. Ou encore cet insensé aux cheveux hirsutes, sauvage, à moitié nu et armé d'un gourdin, représentant l'animalité de l'homme. Le fou peut aussi représenter la sagesse, le génie, ou à l'inverse l'ensemble des vices de ce monde; un monde médiéval en pleine ébullition, où le visible et l'invisible, le terrestre et le céleste, s'interpénètrent. La folie y occupe donc un statut médian, entre maladie et possession divine.
En médecine, "Le Canon d'Avicenne", le traité le plus important et qui restera à la base de l'enseignement de la médecine jusqu'à Rabelais, consacre de longs développements à l'aliénation mentale, liée au déséquilibre d'une des quatre humeurs qui irriguent le corps humain, à savoir le sang, la bile jaune, la bile noire et le flegme. Chaque humeur en excès peut alors générer un type particulier d'aliénation de l'esprit. À chaque humeur sa folie? Eh bien oui, et la médecine envisage pour les guérir trois types de cure: la trépanation, la pharmacopée ou la diététique.
La théologie, elle, offre un spectre encore plus large de la figure du fou. On parle du fou démoniaque, du possédé ou du saint fou de Dieu. Les vies de saints de l'époque, mêlées de légendes et de faits historiques, décrivent le dément sous l'emprise du démon, et, pour le guérir, recourent au pouvoir d'un prêtre ou, plus souvent encore, à celui des reliques du saint. Mais dans la philosophie enseignée au Moyen Âge dans les universités, la vision de la folie est bien différente et se rapproche des textes médicaux: le fou n'est pas possédé, il est malade. Reste un troisième regard théologique à explorer, celui de la folie de la Croix et de la dualité "homme spirituel" et "homme psychique" que ce thème développe.

Au final, une ultime question se pose: au Moyen Âge comme à notre époque, où commence la folie? Où finit la normalité? Ne vivons-nous pas tous des moments d'égarement, quand la raison se dérobe pour laisser la place à l'irrationnel? "C'est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous", écrivait Érasme, en 1511, dans son "Éloge de la Folie". Ce phénomène complexe aux frontières insaisissables qu'est la folie ne pourra jamais être expliqué tant il est subjectif. Ne sommes-nous pas tous le fou de quelqu'un d'autre?

Sylviane BIGARÉ

L'exposition est à découvrir au Musée des Arts anciens du Namurois, Rue de Fer, 24 à Namur, jusqu'au 6 janvier 2013. Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h.Tél: 081/77.67.54. Un livre sur le sujet, abondamment illustré, est disponible sur place ou par commande.

 

Catégorie : Culture

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