Maison d'accueil pour de jeunes, ou futures, mères en grande détresse sociale ou en rupture de ban familial, "Chèvrefeuille" constitue bien plus qu'une bouée de sauvetage. On essaie de s'y reconstruire, d'y devenir autonome, responsable, et tout simplement maman.
C'est dans une grande bâtisse de la rue Lesbroussart, à Ixelles, que la maison d'accueil "Chèvrefeuille" a fait son nid protecteur. Fondée en 1971, cette structure héberge actuellement à cette adresse treize jeunes femmes, enceintes ou avec leur enfant (jusqu'à 7 ans), qui mènent ici une vie communautaire encadrée par un personnel bienveillant et expérimenté. Elles sont âgées en moyenne de 20 à 25 ans, mais la plus jeune de ces pensionnaires n'a que 16 ans, et il est possible qu'elle soit bientôt rejointe par une adolescente de 14 ans… Pourquoi ces demoiselles ont-elles trouvé refuge ici? Elles y ont été parfois placées par la justice. Mais les raisons premières sont principalement liées au fait qu'elles sont dans l'incapacité (pas de ressources financières suffisantes ou pas de papiers en règle) de se loger à Bruxelles. Pour ces jeunes mères, la solidarité familiale n’a pas pu, ou voulu, fonctionner; d'autres ont fui la violence conjugale. Elles se retrouvent alors complètement isolées, abandonnées.
À cette précarité sociale s'ajoute aussi un isolement affectif. "Les mamans accueillies ici ont des parcours de vie très difficiles", indique Agnès Crabbe, directrice de la maison. Elle relève ainsi qu'une majorité d'entre elles ont déjà été placées durant leur enfance, et ont subi des violences sexuelles au sein de leur famille. Il s'agit alors, pour l'équipe de Chèvrefeuille, de veiller à ce que la maltraitance que ces femmes ont elles-même connue dans leur jeunesse ne soit pas reproduite. Un cinquième des pensionnaires de cette maison d'accueil ont ainsi besoin d'être particulièrement accompagnées dans l'apprentissage de leur rôle de maman, ce qui exige parallèlement un très grand travail de protection de l’enfant. Tout cela prend du temps et peut donc allonger la durée du séjour à Chèvrefeuille qui est normalement de 9 mois, durée symbolique s'il en est…
Réinsertion
Mais là ne s'arrête pas l'objectif de cette maison. Pour ces femmes, il s'agit également de se reconstruire, malgré toutes les blessures dont elles ont été victimes, que ce soient des violences physiques, psychologiques, conjugales ou familiales. Et puis bien sûr se réinsérer dans la vie sociale. "Ce travail sur l'insertion est tout aussi important que celui mené par nos équipes pour améliorer la relation mère-enfant", insiste Agnès Crabbe. "En ce moment, la plupart des personnes hébergées par "Chèvrefeuille" ont d'ailleurs un emploi (aussi modeste soit-il) ou suivent une formation". Cela structure la journée et c'est aussi une manière de montrer l'exemple à leur(s) enfant(s).
De manière tout à fait concrète, quand ces mamans arrivent la maison "Chèvrefeuille", elles ne disposent que d'une simple chambre, et apprennent dans un premier temps à vivre en communauté et à gérer leur quotidien. Pour ce faire, elles sont encadrées et guidées par des éducatrices et des assistantes sociales, afin d'acquérir une autonomie durable. Le séjour est parfois émaillé de violence. De moments de déprimes aussi, en particulier à cette époque de Noël où toutes ces jeunes femmes ressentent encore plus cruellement le vide familial.
Après ce passage en maison communautaire elles peuvent avoir accès aux appartements satellites loués par la maison (il y en a cinq). Le but étant de les amener à la dernière étape de leur reconstruction: la gestion de A à Z de leur vie familiale, financière et personnelle. À leur sortie, il est évident que tous les problèmes ne sont pas résolus. Mais pour Agnès Crabbe, "tout ce qui est donné ici n'est jamais perdu".
Pierre GRANIER
Infos: 02/648.17.78. Pour tous dons, compte BE41 6300 1180 0010 (avec mention projet n°14 – Chèvrefeuille)