Ceci n’est pas un soldat


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Ceci n’est pas un soldat
Par Manu Van Lier
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
4 min

Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d'Amnesty International, dresse le portrait de ces enfants-soldats.

Jusqu’en 2008, on estimait à 300.000 le nombre d’enfant-soldats à travers le monde. Aujourd’hui, il est impossible de connaître avec exactitude l’étendue des forces dont les groupes armés disposent car ils évoluent dans l’illégalité. Ce sont souvent des enfants qui proviennent de villages, des enfants pauvres. La plupart d’entres eux sont recrutés de force, enlevés par des groupes armés ou par l’armée légitime. Parfois on massacre leur famille devant eux pour les obliger à suivre le groupe. Les enfants sont enrôlés très jeunes 6, 7 ou 8 ans car à cet âge là ils sont encore très malléables, on peut les former et les mouler dans ce rôle de combattant ‘prêt à tout’. La moitié de ces enfants-soldats sont des filles. Celles-ci subissent une violation des droits humains à un double niveau : on les oblige à combattre, mais en plus elles deviennent des esclaves sexuels pour les chefs de ces groupes armés avant d’être abandonnées quand elles deviennent plus âgées.

A quelles tâches sont-ils affectés ?

Au départ, on demande à ces enfants de porter les armes, une manière de les intégrer au groupe, on les bat pour qu’ils transportent les munitions, la nourriture et le matériel. On va également les utiliser comme éclaireurs, pour débusquer l’ennemi ou encore les utiliser comme détecteurs de mines.

L’Afrique est souvent associée aux images d’enfants-soldats, mais est-ce la seule région concernée ?

On a beaucoup parlé d’enfants-soldats au Congo, c’est vrai également dans d’autres conflits en Afrique, le Tchad en est un exemple, mais on les retrouve sur tous les continents : en Asie du Sud est ou en Colombie notamment. Il faut savoir que l’utilisation d’enfants-soldats était au départ quelque chose de très répandu dans le monde et même dans les armées européennes, notamment en Allemagne ou en Italie. Il y a un protocole facultatif des droits de l’enfant qui interdit l’enrôlement d’enfants dans les forces armées jusque 18 ans… un protocole d’ailleurs signé par le Congo !

Comment se fait-il que ces droits de l’enfant ne sont pas respectés ? Quel poids peut avoir Amnesty International sur les gouvernements pour faire respecter les droits de l’enfant ?

La convention des droits de l’enfant a apporté du bien-être mais il reste difficile de mesurer dans quelle proportion. Il y a toujours plusieurs centaines de milliers d’enfants dans le cas, en permanence ou pas. Chez Amnesty, on sait que lorsque l’on se tait, les violations les plus graves se déroulent. C’est pour cela que nous devons poursuivre nos campagnes pour mettre la pression sur nos gouvernements mais aussi sur les gouvernements congolais, tchadien ou colombien. Nos rapports sont d’ailleurs souvent au dessous de la réalité car nous tenons à vérifier les informations. Le crédit de notre organisation en dépend.

Vous soutenez également des associations de terrain ?

Amnesty soutient le BVES à Bukavu (Bureau de volontariat des enfants et de la santé), un centre qui a vu passer 60.000 enfants en quelques années. Le BVES intervient pour réinsérer les enfants démobilisés suite à des accords de cessez-le-feu. Mais la réinsertion ne fonctionne pas toujours, certains enfants retournent parfois dans les groupes armés car ils n’ont pas de moyens de subsistance ou parce qu’ils sont ré-enrôlés de force. Ce travail prend également beaucoup de temps : il faut souvent plusieurs mois pour désintoxiquer ces enfants drogués jusqu’aux yeux, pour ensuite chercher à les réintégrer dans leur communauté d’origine. Le responsable du BVES, Murhabazi Namegabe, qui négocie directement avec des chefs de groupes armés pour libérer les enfants mène cette action au péril de sa vie ; régulièrement menacé, il est obligé de changer de domicile chaque jour.

Propos recueillis par Manu Van Lier

Les droits de l’enfant

La convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989, reprend l’ensemble des droits des enfants, notamment celui d’être protégé dans un conflit armé. Cependant beaucoup de gouvernements qui ont pourtant ratifié la CIDE – à ce jour, seuls la Somalie et les Etats-Unis ne l’ont pas fait – ne les protègent pas. Au niveau international, les textes et conventions ne prévoient pas de sanctions, ni de contraintes juridiques directes contre les groupes armés qui utilisent des enfants. Il n’existe pas non plus de « police internationale », ni de « forces armées humanitaires » pour vérifier que les États signataires appliquent la législation dans leur pays.
En Europe, tous les pays ont ratifié un protocole lié à la CIDE qui concerne l’implication d’enfants dans les conflits armés. Les jeunes de moins de 18 ans ne doivent pas participer aux hostilités et ne doivent pas faire l’objet d’un enrôlement obligatoire dans leurs forces armées. Les jeunes ne peuvent donc aller combattre mais peuvent recevoir une éducation, une formation militaire et ce, dès le plus jeune âge. En Belgique, par exemple, les jeunes peuvent effectuer divers stages s’ils ont entre 16 et 18 ans.
Catégorie : L'actu

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