“Minable, vous avez dit “minable” ? Comme c’est minable”


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“Minable, vous avez dit “minable” ? Comme c’est minable”
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
4 min

On se souvient du "Casse-toi, riche con" du journal Libération adressé au patron de LVMH, Bernard Arnault fraîchement domicilié en Belgique. Désormais, on se souviendra également du "minable" de Gérard Depardieu. Mais jusqu'où ira la presse ? Quand les "canards" se déchaînent…

Le départ annoncé de l’acteur français Gérard Depardieu pour la Belgique a suscité une avalanche de réactions. La gauche dénonce une attitude antipatriotique, tandis que la droite y voit le résultat de la politique du gouvernement. « Je trouve cela assez minable. Tout cela pour ne pas payer d’impôt, pour ne pas en payer assez », a déclaré le premier ministre Jean-Marc Ayrault. Une phrase qui a fait monter la moutarde au nez de l'ex-Cyrano de Bergerac… Et il a fait mouche en envoyant une lettre ouverte à Jean-Marc Ayrault publiée dans l'hebdomadaire français Le Journal du Dimanche, rendant par la même sa nationalité française. Un texte qui commence comme une tirade de Cyrano. Jugez plutôt : Minable, vous avez dit "minable"? Comme c’est minable. Je suis né en 1948, j’ai commencé à travailler à l’âge de 14 ans comme imprimeur, comme manutentionnaire puis comme artiste dramatique. J’ai toujours payé mes taxes et impôts quel qu’en soit le taux sous tous les gouvernements en place. À aucun moment, je n’ai failli à mes devoirs. Les films historiques auxquels j’ai participé témoignent de mon amour de la France et de son histoire. Des personnages plus illustres que moi ont été expatriés ou ont quitté notre pays. Je n’ai malheureusement plus rien à faire ici, mais je continuerai à aimer les Français et ce public avec lequel j’ai partagé tant d’émotions! Je pars parce que vous considérez que le succès, la création, le talent, en fait, la différence, doivent être sanctionnés. Je ne demande pas à être approuvé, je pourrais au moins être respecté. Tous ceux qui ont quitté la France n’ont pas été injuriés comme je le suis. Je n’ai pas à justifier les raisons de mon choix, qui sont nombreuses et intimes. Je pars, après avoir payé, en 2012, 85% d’impôt sur mes revenus. Mais je conserve l’esprit de cette France qui était belle et qui, j’espère, le restera. Je vous rends mon passeport et ma Sécurité sociale, dont je ne me suis jamais servi. Nous n’avons plus la même patrie, je suis un vrai Européen, un citoyen du monde, comme mon père me l’a toujours inculqué. Je trouve minable l’acharnement de la justice contre mon fils Guillaume jugé par des juges qui l’ont condamné tout gosse à trois ans de prison ferme pour 2 grammes d’héroïne, quand tant d’autres échappaient à la prison pour des faits autrement plus graves. Je ne jette pas la pierre à tous ceux qui ont du cholestérol, de l’hypertension, du diabète ou trop d’alcool ou ceux qui s’endorment sur leur scooter : je suis un des leurs, comme vos chers médias aiment tant à le répéter. Je n’ai jamais tué personne, je ne pense pas avoir démérité, j’ai payé 145 millions d’euros d’impôts en quarante-cinq ans, je fais travailler 80 personnes dans des entreprises qui ont été créées pour eux et qui sont gérées par eux. Je ne suis ni à plaindre ni à vanter, mais je refuse le mot "minable". Qui êtes-vous pour me juger ainsi, je vous le demande Monsieur Ayrault, Premier ministre de Monsieur Hollande, je vous le demande, qui êtes-vous? Malgré mes excès, mon appétit et mon amour de la vie, je suis un être libre, Monsieur, et je vais rester poli. Gérard Depardieu".

Ces épisodes soulignent une chose. Certes, l'exil fiscal a ses adeptes et ses détraqueurs. Peut-on pour autant détruire une personne et lui manquer de respect dans les médias ? N'y a-t-il pas quelque chose qui débloque dans la presse aujourd'hui ?

Dans les arènes de la Rome antique, les jeux les plus cruels distrayaient le peuple, affamé et manipulé. Aujourd'hui, les médias ont pris le rôle des organisateurs de jeux. Une personne est livrée à la hargne populaire dans des colonnes d'une "Une" aux caractères gras. Or, la grosseur de la titraille n'est pas proportionnelle aux méfaits des accusés. Poutine, Berlusconi, Mouammar Kadhafi… n'ont pas eu autant de harcèlements haineux dans les "canards" déchaînés qu'un Depardieu ou un Arnault.

La faute à la crise ? C'est facile... Et pour le coup, c'est minable.

Anne Leconte

 

Catégorie : En dialogue

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