Si les Belges sont généralement plutôt généreux, ils sont aussi de plus en plus nombreux à se demander quelle est la meilleure manière d’être solidaire. Est-il préférable de donner, de prêter ou d’investir? Telle est la question qui sous-tendait l’après-midi de réflexion organisée à Louvain-la-Neuve, le 15 novembre dernier, par la coopérative Oikocredit (*).
Si l’après-midi de réflexion organisée par Oikocredit, intitulée « Marre de donner, peur d’investir… Quels outils financiers pour la solidarité? », a apporté plus de questions que de réponses, elle n’en était pas moins instructive. Elle a notamment permis aux participants d’y voir plus clair sur les avantages et inconvénients du don et de l’investissement, lorsqu’il s’agit de venir en aide aux plus pauvres.
Alain Loute, docteur en philosophie (UCL), a ouvert la rencontre en jetant un pavé dans la marre. « Le lien entre investissement et solidarité n’est pas si évident« , a-t-il expliqué. Car qui dit solidarité, dit « dépendance réciproque, endettement mutuel ». « Or, en quoi l’investissement solidaire participe-t-il à une communauté de destins, à la constitution de liens sociaux?« , a-t-il demandé, même s’il reconnaît que la microfinance n’a pas pour seul objectif la rentabilité financière et permet un accès non discriminatoire au crédit. Dans le contexte actuel de crise, se pose toutefois une question: « La microfinance permet-elle de lutter contre les effets pervers de la financiarisation de l’économie ou contribue-t-elle à son renforcement? »
Un pouvoir d’action aux défavorisés
Professeur à la Solvay Brussels School of Economics and Management, Marek Hudon n’a pas répondu à cette question, mais a plutôt présenté à l’assemblée une synthèse de ce que dit la littérature économique à propos de la microfinance. Comme son prédécesseur, il n’a pas souhaité trancher, car l’investissement solidaire et le don semblent produire tous deux autant d’effets positifs que négatifs. Son cœur paraissait toutefois pencher plutôt vers le crédit, vu que celui-ci induit une relation à plus long terme que le don et crée davantage de responsabilités de la part du bailleur de fonds que du donateur.
Bert Van Thienen, directeur d’Oikocredit-be, a ensuite expliqué comment fonctionne son organisation et surtout comment elle s’assure que l’argent investi est utilisé de manière optimale et durable. Car si Oikocredit a pour ambition de « donner un pouvoir d’action aux défavorisés à travers le crédit« , « il faut encore vérifier que l’argent atteint bien les plus pauvres et contribue réellement à un changement positif« . Sans surprise, Bert Van Thienen a également dit tout le bien qu’il pense du modèle financier appelé « stake holders », « basé sur le principe que tous les acteurs sont concernés et doivent avoir leur mot à dire par rapport à ce que l’on fait de leur argent« , par opposition au modèle « share holders », où tout tourne autour des actionnaires.
Un bénéfice énorme pour la société
Un avis largement partagé par Bernard Horenbeeck, directeur de Crédal, une coopérative de crédit alternatif qui propose des placements stables, 100% éthiques et solidaires. Lui aussi estime qu’il faut donner du sens à son argent et ne pas le confier aveuglément aux banques, sans leur demander ce qu’elles en font. « Nous avons tous une responsabilité par rapport à l’usage que nous faisons de notre argent« , a-t-il insisté. Voilà pourquoi Crédal a choisi de soutenir celles et ceux qui ont des projets, mais ne trouvent pas le soutien bancaire dont ils ont besoin pour les réaliser. « Le crédit« , a-t-il expliqué, « n’est pas un but en soi. Ainsi, nous aidons les personnes à faire les bons choix, nous les accompagnons dans la réalisation de leur projet. » Ce qui, sur le plan social, représente « un bénéfice énorme« . Selon les calculs d’un économiste, « un euro investi chez nous en rapporte cinq à la société« .
L’après-midi s’est achevée avec trois témoignages, dont celui de Nadine Ghislain, trésorière de la fabrique d’église protestante Mons-Centre, qui a expliqué comment sa paroisse a pris la décision d’investir son « bas de laine » chez Oikocredit. « Nous étions face à un choix: continuer à thésauriser ou faire circuler l’argent« , a-t-elle expliqué. « Ce n’est pas que nous avions peur d’investir, mais nous voulions savoir où et comment. Quand nous avons découvert l’existence d’Oikocredit, le choix a été vite fait, car chacun y trouvait son compte. Cette formule répondait à la fois à la demande des cigales et à celle des fourmis. » Que demander de plus?
Pascal ANDRÉ
(*) En partenariat avec CREDAL, l’ADIC, l’AIC, l’asbl Centre Placet et Louvain Coopération.
Investir autrement
Des millions de pauvres à travers le monde ont tout pour changer leur situation de vie (idées, volonté, enthousiasme…), sauf l’argent nécessaire à la réalisation de leur projet. Il est toutefois possible de les aider à se construire un avenir en investissant un petit montant dans Oikocredit, une organisation d’inspiration chrétienne à financement privé. En effet, chaque euro investi est utilisé pour accorder un crédit à des coopératives, des organisations de commerce équitable, des PME et des institutions de microfinance, dans le Sud.
Oikocredit propose donc un double retour sur investissement: social et financier. En plus de gagner de modestes dividendes, les investisseurs ont la garantie que leur argent peut être récupéré à tout moment et utilisé pour lutter contre la pauvreté, promouvoir le commerce équitable et protéger les ressources naturelles de la planète.
Oikocredit Antenne francophone – Rue du Taillis, 10/000 – 1348 Louvain-la-Neuve – www.oikocredit.be.