Mohamed Morsi a franchi une nouvelle étape pour s’arroger les pleins pouvoirs en Egypte. Le 22 novembre 2012, le président égyptien a dévoilé une nouvelle « déclaration constitutionnelle » qui lui attribue le droit de "prendre toute décision ou mesure pour protéger la révolution", tout en réduisant considérablement le pouvoir des instances judiciaires. Les réactions de l’opposition n’ont pas tardé, plongeant une nouvelle fois le pays dans une atmosphère révolutionnaire.
Au lendemain du nouveau tour de force du président Morsi, des manifestants, en majorité de tendance libérale et laïque, ont incendié les sièges du Parti de la liberté et de la Justice (PLJ), formation issue des Frères musulmans, à Suez, Ismaïliya et Port Saïd. Des dizaines de milliers d’opposants ont occupé la Place Tahrir pour scander « Morsi dictateur » ou « A bas le nouveau Pharaon », alors que sur la place Al-Ittihadiya, les salafistes et les partisans des Frères Musulmans se mobilisaient également en nombre pour crier leur soutien à Mohammed Morsi. Selon le Front salafiste, les décrets du président Morsi ont permis de "sauver l’Egypte du vide constitutionnel et de l’instabilité politique qui guette le pays".
"L’Egypte fait face à un grave danger. Les Frères musulmans disposent désormais de tous les pouvoirs: ils contrôlent le législatif, l’exécutif et le pouvoir judiciaire. Personne ne peut les arrêter maintenant", déplore le Père Rafic Greiche, porte-parole de l’Eglise copte catholique d’Egypte. Selon le prêtre catholique, les Frères musulmans suivent "un plan précis" afin que l’Egypte devienne un pays basé sur la charia, le droit islamique. Avec cette "Déclaration constitutionnelle" les instances judiciaires ne seront plus autorisées à surveiller les activités du Conseil de la Choura (chambre consultative du Parlement) et de la Commission constitutionnelle chargée de mettre au point la loi fondamentale du pays.
Mohamed Morsi, qui a limogé le procureur général de la République Abdel Mahmoud, a également ordonné de revoir les enquêtes sur les crimes commis par des partisans de l’ancien régime lors de la Révolution de 2011, notamment les violences contre les manifestants de la Place Tahrir. Il a également augmenté les indemnités versées aux familles des "martyrs de la Révolution". Mais selon le Père Greiche, ces mesures ont été prises pour distraire l’opinion publique des réelles intentions du leader islamiste. "La seule arme, poursuit-il, c’est est de voter ’non’ lors du référendum constitutionnel. Cependant, les 40% de la population sont pauvres et vivent dans les zones rurales, où les islamistes recueillent la majorité des voix. Et cela parce qu’en échange de leur vote, ils leur donnent des sacs de blé, de la viande et du riz".
La crainte d’une islamisation du pays
La semaine passée, les représentants des communautés chrétiennes ont confirmé leur retrait de l’Assemblée constituante. Ils répondaient aux pressions qui tentent d’orienter dans un sens islamiste la nouvelle charte constitutionnelle égyptienne. "Les partisans de Morsi affirment que ces mesures sont nécessaires afin de préserver le chemin de la révolution. Mais tous les autres parlent de dérive vers la dictature et disent que le président Morsi veut devenir un nouveau pharaon", explique le Vicaire patriarcal des coptes catholiques d’Egypte, Mgr Kyrillos William Samaan.
Le 27 novembre 2012, une délégation des Eglises catholiques en Egypte rendra visite à Tawadros II, le patriarche des coptes orthodoxes, consacré le 18 novembre dernier. "A cette occasion, indique Mgr William Samaan à l’agence missionnaire vaticane Fides, nous nous consulterons et nous coordonnerons nos initiatives face à l’urgence que traverse actuellement notre pays".
(apic/mvl)