Rencontre avec Monsieur Cimetière


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Rencontre avec Monsieur Cimetière
Par Angélique Tasiaux
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
3 min

L'étrange appellation de Monsieur Cimetière n'offusque pas Xavier Deflorenne. Ce quadragénaire a pris l'habitude de côtoyer ces lieux installés à l'écart des villes et villages. Il en est même devenu l'ardent défenseur, une sorte de porte-parole entouré de défunts muets.

La prise de conscience de la valeur du patrimoine funéraire est récente à l'échelle humaine. À la fin des années 80, quelques historiens ont commencé à travailler, de manière isolée, sur le patrimoine funéraire local. Ce fut notamment le cas de Xavier Deflorenne, qui a réalisé un mémoire en Histoire de l'Art sur la chapelle funéraire néogothique de Clémentine d'Oultremont, à Houtaing.

Grâce à des rencontres cruciales et déterminantes, Xavier Deflorenne réussit ensuite à vivre sa passion au quotidien, puisqu'il est chargé, par la Région wallonne, de réaliser un inventaire des chapelles funéraires et des mausolées dans les cimetières. Durant quatre ans et demi, ce recensement le mène sur les routes de Wallonie, à la découverte des 3.500 cimetières du sud du pays. "La matière est vaste, d'une ampleur insoupçonnée", comme se plaît à souligner l'historien, qui voit dans ceux-ci "un quartier comme les autres", nécessitant, lui aussi, une "esthétique paysagère". Car "le patrimoine qui n'est pas géré est un patrimoine perdu"… Le ton est donné. Xavier Deflorenne plaide "pour que les communes gèrent les cimetières en conscience de leur portée". Ce faisant, "le cimetière redevient un objet politique, le ciment identitaire d'une communauté". Autrement dit, une gestion efficace de la politique funéraire va de pair avec la "conscience que le patrimoine est porteur d'un message".

Un glissement de sens

Le rouleau compresseur de la mondialisation traverse aussi les cimetières, avec la disparition de certains métiers traditionnels, tel celui du fossoyeur ou du tailleur de pierres. Désormais ce sont les pierres chinoises et indiennes qui ont la cote. Seule la couleur les distingue encore les unes des autres. Aussi la "gravure personnalisante" a-t-elle des adeptes, toujours plus nombreux. Par ce type de gravure, les survivants "marquent le contact avec leurs défunts" et développent "une symbolique privée". "Le rapport au défunt a changé; il s'agit d'un rapport intimiste, sans lien avec la société", comme la représentation d'une vespa ou d'un gâteau qui "restaure un souvenir lié à la vie des survivants", mais ne met plus en avant un "souvenir communautaire". Ces souvenirs sont de simples "déclencheurs d'affects".

Aujourd'hui, "les communes n'ont pas encore saisi le potentiel" des cimetières, ces lieux qui recèlent un potentiel touristique. Or bien des promeneurs visitent des cimetières lorsqu'ils sont en séjour à l'étranger. Xavier Deflorenne est certainement de ceux-là, qui "lisent un cimetière", comme une cartographie de l'âme humaine.

Angélique TASIAUX

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Catégorie : L'actu

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