Les Sauvèrdias, une maison d'accueil créée et gérée par les Frères de la Charité fêtera ses 25 ans, ce 20 octobre 2012. Dans quelques mois, hôtes et bénévoles déménageront vers une maison plus vaste, au 327 de la rue de Dave à Jambes, pour mieux répondre à des besoins croissants. Christine Bolinne nous emmène à la découverte de ce lieu de vie.
Le jour se lève à peine et déjà aux Sauvèrdias, des bénévoles s'activent. Quelques habitués repartent avec un des pains qui s'entassent, dès l'entrée, dans des bacs: dans très peu de temps, ils auront tous disparu. Une bonne odeur de café vient chatouiller les narines. Dans la cuisine, José range, dans le frigo, des tartes et des yaourts offerts par une grande surface. Ils seront servis comme dessert. Michel s'active autour de ses lourdes casseroles. Ancien militaire, il met son savoir-faire de traiteur, pour rendre juste un peu plus facile la vie d'hommes et de femmes . Plusieurs fois par semaine, il veille à ce que tous prennent un bon repas ''et, ils peuvent se resservir'' ajoute-t-il. Le plus difficile: ne pas connaître le nombre de repas qu'il devra servir, cela peut varier de 40 à 70! Il faut avoir le sens de la débrouille, une motivation supplémentaire pour Michel dirait-on. La moyenne est, en semaine, de 50 repas servis. Elle passe à 70 voire 80 le week-end.
Ce jour-là, Cécile et Carine viendront le seconder: elles nettoieront la salade, couperont les radis et tous les légumes servis le midi en accompagnement des escalopes de dinde aux émincés de poivrons. Ce qui n'est pas utilisé dans l'immédiat est nettoyé, coupé, blanchi et mis au congélateur. José une fois le rangement terminé changera de poste: il est le spécialiste de l'épluchage des carottes. Il en a devant lui plusieurs bottes qui serviront à préparer la soupe du lendemain pas de quoi entamer pour autant sa bonne humeur.
Les besoins augmentent
Une bonne humeur que ceux et celles qui franchissent la porte du 300 de la chaussée de Liège à Jambes ressentent immédiatement. Ils sont ainsi plus vite à l'aise. Ils savent aussi que les bénévoles ne leur poseront pas de questions sur leur vie, leur famille...
Philippe, grand tablier noué autour de la taille, en a terminé avec les tâches ménagères. En l'absence du Frère Henri, il veille à ce que tout se passe bien dans la maison. Il raconte aussi la belle histoire des Sauvèrdias. Une maison ouverte à l'initiative des Frères de la Charité et qui existe depuis bientôt 25 ans. Des Frères déjà très présents dans la gestion de l'Institut psychiatrique Saint Martin à Dave. Cette maison était un lieu destiné aux personnes qui avaient quitté l'institut, elles pouvaient s'y retrouver, passer un peu de temps entre elles. Au fil des années, les Frères ont constaté que les besoins étaient de plus en plus importants. Bien sûr, les Sauvèrdias sont toujours un refuge pour les hommes et les femmes seuls, perdus dans leur solitude. Au fil des années, ils ont été rejoints par les ''accidentés'' de la vie. La perte d'un emploi, un divorce, de mauvaises affaires et la belle machine s'enraye.
Un repas: 2 euros
Aux Sauvèrdias, on peut prendre pour 2 euros un repas chaud (potage, plat, dessert et café). En 2011 ce sont 18.740 repas qui ont été servis contre ''seulement'' 17.895 en 2010 et 16.210 en 2009. On peut aussi y prendre une douche et y laver son linge. Des services qui seront plus performants une fois le déménagement dans les nouveaux locaux effectué.
Pour ceux qui ont passé la nuit dans la rue, dans un squat, c'est aussi la certitude de prendre du temps -et souvent s'endormir- en toute sécurité, dans une pièce chauffée. D'autres préfèrent jouer aux cartes ou refaire le monde. Une dame, une tasse de café posée à côté d'elle, regarde par la fenêtre. Elle passera de longues minutes le regard dans le vide. ''Chez nous explique Philippe, ils peuvent rester une minute, une heure ou une journée.'' Parmi les habitués des Sauvèrdias, et c'est surtout vrai lorsqu'il fait froid, des personnes aux faibles moyens. Ils viennent à la maison d'accueil pour économiser sur la facture chauffage.
Et lorsque le moment de passer à table arrive chacun s'installe: pas de libre service mais des plats. Il faut ainsi se parler, une manière de briser la glace et de faire sortir de leur coquille les plus timides.
Avoir du coeur, une priorité
Pour faire fonctionner la maison 7 jours sur 7, il faut des bénévoles qui oeuvrent suivant leurs compétences et bien sûr leurs disponibilités. ''Le Frère Henri précise toujours lorsqu'il recherche des bénévoles qu'il ne leur demande pas de formation particulière mais d'avoir du coeur. Pour lui la valeur d'une personne se mesure toujours au bonheur qu'elle donne aux autres.'' souligne Philippe. Des bénévoles qui doivent aussi être discrets. ''On ne pose pas de questions'' ajoute-t-il. Si la personne a besoin de se confier, elle le fera. C'est à elle de décider.'' Un sourire, une parole font déjà tellement.
Au fil des années, ils sont de plus en plus nombreux à venir aux Sauvèrdias. Frère Henri, Philippe ou encore Micheline plus particulièrement investis dans le fonctionnement savent qu'ils doivent réaliser des prouesses dignes des plus grands funambules. La maison d'accueil tourne, toute l'année, à partir de dons. ''Le Frère Henri n'a jamais fermé un seul jour.'' lance fièrement Philippe. Des magasins font cadeaux de produits qu'ils ne vendront plus. Mais cela ne suffit pas. Il faut acheter beaucoup. Et c'est particulièrement vrai pour la viande ou encore les produits liés à l'hygiène (shampooing, savons...).
La nouvelle maison des Sauvèrdias au 327 de la rue de Dave devrait être opérationnelle pour le printemps. Les locaux actuels ne peuvent accueillir que 90 personnes, la nouvelle infrastructure permettra de passer à 120 et sera d'un accès plus aisé pour les moins valides.
Bon anniversaire
Le 20 octobre, à 15h, une eucharistie présidée par Mgr Rémy Vancottem, évêque de Namur, sera célébrée à l'église d'Enhaive, à Jambes. ''C'est tout la famille des Sauvèrdias qui sera réunie précise Philippe avec un peu d'émotion dans la voix. Nous n'affichons pas notre identité (ndlr: entendez par là, ils n'insistent pas sur leur identité chrétienne) mais on sait qui on est.''
Christine Bolinne