Editorial de Pascal André, paru dans le « Dimanche Express » du 4 novembre 2012 :
« La communauté internationale salue le cessez-le feu en Syrie », « La communauté internationale, unie pour mettre fin à la crise au Mali », « Guerre au Kivu: la communauté divisée », « La zone euro surveillée par la communauté internationale »… Invoquée inlassablement dans les discours diplomatiques, militants ou médiatiques, l’expression « communauté internationale » a été tellement utilisée – pour le pire comme pour le meilleur – qu’elle a fini par perdre tout sens. Son caractère faussement rassurant en a effectivement fait l’instrument favori de celles et ceux qui cherchent à rallier l’opinion publique à une cause prétendument universelle. Ils font dès lors « appel à la communauté internationale », s’insurgent contre des actes « portant atteinte aux intérêts » de celle-ci, parlent ou agissent « en son nom »…
Mais s’est-on déjà posé la question de savoir ce que recouvre exactement cette notion? En fait, il n’existe nulle part de « communauté internationale ». « C’est une mythologie médiatique, une commodité de langage, un mensonge« , soutient l’essayiste français Jean-Claude Guillebaud. Car que désigne exactement cette expression? L’ensemble des peuples de la Terre? Les États membres de l’ONU? Les seuls États membres du Conseil de sécurité? Le G8? Le G20?… En réalité, la réponse à cette question varie selon les circonstances ou plus précisément en fonction des intérêts du moment, le plus souvent des grandes puissances occidentales.
L’expression « communauté internationale » est donc dangereuse, car elle laisse entendre que le monde est désormais une sorte de grande famille, partageant les mêmes valeurs, unie par une même foi en la démocratie et capable de se mobiliser pour défendre les droits de l’homme là où ils sont menacés ou pour venir en aide aux affligés sur n’importe quel point de la planète. Or, nous le savons, il n’y a pas de monde unifié, donc pas de « communauté » mondiale. Il n’y a que des États, voire des régions, dont les intérêts – parfois – divergent, et des populations dont les sensibilités ne sont pas identiques. Même les institutions internationales ont des difficultés à parler d’une seule voix, y compris lorsque la vie d’innocents est en jeu, comme c’est le cas, actuellement, en Syrie ou en RDC.
Même si la construction d’une véritable communauté internationale représente en soi un objectif tout à fait louable, les médias feraient mieux d’éviter cette expression, usée jusqu’à la corde, et nous, simples citoyens, de prendre nos distances avec cette représentation du monde qui nous est imposée à notre insu et ne repose, en fin de compte, sur rien de très tangible…