Le 7 octobre prochain, Hildegarde de Bingen (1098-1179) sera proclamée "Docteur de l'Église" par Benoît XVI, devenant ainsi la quatrième femme gratifiée de ce titre depuis l'origine du christianisme. Conseillère du pape et des princes de l'époque, compositrice, herboriste et médecin, cette abbesse bénédictine nous a laissé des traités spirituels d'une très grande modernité.
On prétend que la femme était méprisée dans la société du Moyen Âge. Or, il en est une, au XIIe siècle, qui n'a craint ni les papes ni les rois, et qui ne s'est pas gênée pour semoncer les grands de son temps. Cette femme a pour nom Hildegarde. Née le 16 septembre 1098, à Bermersheim, en Allemagne, dans une famille de la petite noblesse locale, elle a été confiée très jeune au couvent de Disibodenberg, un monastère double, sur les bords du Rhin, où moines et moniales chantent la louange divine en des bâtiments mitoyens. On pense que la jeune fille y est entrée définitivement vers l'âge de 14 ans et qu'elle a pris l'habit vers 16 ans.
À la mort de Jutta de Sponheim, la prieure, elle est choisie par ses consœurs pour lui succéder. Elle a 38 ans. Grâce à sa personnalité hors du commun, la communauté va connaître un développement rapide. Devant l'afflux des vocations, la nouvelle prieure voudrait plus d'indépendance pour son couvent, mais l'abbé Kuno, supérieur du monastère masculin, refuse de perdre son autorité sur les moniales. En 1150, Hildegarde finit par obtenir gain de cause: elle reçoit l'autorisation de fonder son propre monastère: le Rupertsberg, à Bingen, ainsi qu'un deuxième, quelques années plus tard, à Eibingen.
Messagère de Dieu
En 1141, Hildegarde reçoit ses premières visions mystiques. Au début, elle hésite à faire connaître les éblouissements qui se présentent à son esprit. Et quand elle se décide enfin, son témoignage est d'abord accueilli avec une certaine méfiance par les autorités ecclésiastiques, avant qu'une enquête lève le doute sur l'authenticité de ses visions. Trois recueils de ses visions seront donc finalement publiés: le "Scivias", le "Livre des mérites de vie" et le "Livre des œuvres divines". Des récits qui donnent de l'univers une vision étonnante de modernité.
Forte de son autorité spirituelle, Hildegarde va beaucoup voyager, allant partout où on l'appelle. Elle prêche dans les cathédrales et les couvents, correspond avec toutes les têtes couronnées de l'époque, les papes, les évêques et archevêques de la région, et bien d'autres illustres personnages. Dans ses sermons et dans ses lettres, elle dénonce la corruption des clercs, invite à une réforme des mœurs et lutte contre la simonie, c'est-à-dire l'achat et la vente de biens spirituels.
Une compositrice inspirée
Hildegarde de Bingen est également bien connue des amateurs de musique sacrée, fascinés par la subtilité des enrichissements fleuris qu'elle ajoutait à la ligne mélodique, son sens des répétitions, ses envolées qui invitent à la méditation. Elle a effectivement composé plus 70 chants liturgiques, hymnes et séquences, ainsi qu'un drame liturgique intitulé "Ordo virtutum" et qui met en scène les tiraillements de l'âme entre le démon et les vertus. On lui attribue également plusieurs ouvrages de médecine et de pharmacologie, dans lesquels elle décrit les remèdes connus à son époque en les classant selon leur origine, leur préparation et leurs propriétés.
Si aucune des quatre tentatives de canonisation faites après sa mort ne fut menée à son terme, Hildegarde fut très vite qualifiée de sainte par le peuple, et à la fin du XVIe siècle, comme elle était l'objet d'une dévotion de longue date, son nom fut inscrit au martyrologue romain sans autre formalité, avec le titre de sainte. Il faudra toutefois attendre le 10 mai 2012 pour voir son culte liturgique étendu à l'Église universelle.
Pascal ANDRÉ