On le redoutait depuis quelques jours. L’annonce de la tenue d’un conseil d’entreprise extraordinaire chez Ford à Genk ne présageait rien de bon. De fait, les craintes étaient fondées : l’usine Ford fermera définitivement ses portes en 2014 au profit du site de Valence. Quelque 4.300 emplois directs passent à la trappe, mais au total, avec les emplois indirects, près de 10.000 personnes sont concernées. Un véritable séisme social !
Récemment, dans l’entretien qu’il avait accordé au Médias Catholiques, l’économiste Etienne de Callataÿ, interrogé sur le désindustrialisation de la Belgique, affirmait qu’il fallait avoir le courage de dire que l’avenir ne se trouvait ni dans le secteur automobile en Flandre, ni dans la sidérurgie en Wallonie. « Il ne faut pas piloter l’économie et le social en ayant les yeux rivés sur le rétroviseur, mais bien avoir le courage de dire que ni l’assemblage automobile pour la Flandre, ni la sidérurgie wallonne ne sont des activités porteuses d’avenir. Ce n’est pas là que nous créerons des dizaines de milliers d’emplois dont nous avons besoin pour assurer un avenir à notre jeunesse », disait-il. Un propos qui prend toute son ampleur à la lumière de la nouvelle tombée ce mercredi : l’arrêt de l’usine Ford de Genk. Un site qui a 50 ans d’existence et qui donc fermera ses portes au terme de la production des modèles actuels. Des voitures seront encore assemblées à Genk en 2013, jusqu'à la fin du cycle de production en cours. Il s'agit des modèles Mondeo, S-Max et Galaxy. La production sera ensuite délocalisée vers Valence en Espagne.
Et demain ?
Cette réalité brutale ne doit pourtant pas remettre en cause la mondialisation qui a permis et permet toujours à des continents ou pays moins industrialisés à qui elle donne une chance d’améliorer les conditions de vie. Certes, face à la fermeture de Genk, ceux qui sont concernés ne songe évidemment pas à cela. Toutefois, cela doit nous interpeller, d’abord sur le plan belge, mais surtout au niveau européen, car on on assiste à une inexorable désindustrialisation au profit de pays émergents ou ayant des coûts salariaux moins élevés. Ce n’est pas la qualité de la main-d’œuvre qui est mise en cause, au contraire, ni la performance de nos usines et sites de production. Renault à Vilvorde et Opel à Anvers, également fermés, ne l’ont pas été pour ces raisons là, mais bien pour des raisons économiques et financières. La meilleure preuve en est avec VW à Forest, dont l’usine a été reprise par Audi.
Alors ? D’abord, il faut reconnaître que la Belgique n’est pas de taille à lutter dans ce bras de fer au niveau mondial. Si Genk ferme, c’est parce que Ford veut sauver son activité aux Etats-Unis et parce l’Allemagne a exigé le maintien de la filiale allemande sur son sol. Par ailleurs, la crise a fait chuter les ventes automobiles au niveau mondial, toutes marques confondues. La production dépasse en effet la demande. Il est donc clair qu’à terme des regroupements auront lieu. Voilà pour le constat.
Au-delà, il y a ce que nous ferons demain. De toute évidence, nous n’avons plus le choix : il faut désormais travailler à préparer rapidement l’avenir, en se rappelant que les bons choix faits hier ne sont pas nécessairement pérennes. La crise frappe nos économies avec pour conséquence un éventuel repli sur soi et l’adoption de la politique du chacun pour soi. C’est cela que proposent, erronément, les partis nationalistes sur le Vieux Continent. Au contraire, la solidarité doit être renforcée. Il faut construire socialement l’Europe pour éviter des délocalisations dictées uniquement par des choix financiers.C’est le devoir de tous et pas seulement du monde politique. Ne gardons pas les yeux sur le guidon ou sur le rétroviseur. Regardons où va la route et si elle nous convient. Nous avons toujours été performants et bâtisseurs, il n’y a pas de raison que cela change. Ce qu’il faut, c’est raviver l’espoir et l’espérance.
Ce travail nécessite de « relever nos manches » et de se sentir concernés. Nous devons nous y atteler pour les travailleurs dont on peut imaginer le découragement, la tristesse et même la colère. Ils se retrouvent face à un avenir incertain. Derrière des chiffres, il ne faut pas oublier que se trouvent des êtres humains, avec leur famille, leurs rêves, leurs espérances. Des personnes qui ont des maisons à payer, des frais scolaires,… bref une vie à financer. Une vie que chaque être humain souhaite la meilleure possible pour lui-même et ses enfants. Ces travailleurs se retrouvent subitement devant un avenir sombre et l’on ne doit pas occulter cette réalité ni le fait que l’incertitude, la crainte du futur sont parfois sources de bien des souffrances et des drames.
Jean-Jacques Durré