Le procès du majordome du pape s'est conclu le 6 octobre dernier par une condamnation à 18 mois de prison. Mais il est vraisemblable que le pape graciera son ancien serviteur. Reste que si la justice vaticane est passée, le mystère de cette affaire reste entier. L'affaire est encore à suivre.
Curieux hasard des calendriers: c'est le jour même où Benoît XVI faisait l'éloge de la Gendarmerie vaticane – en première ligne dans cette affaire – à l’occasion de sa fête, que le verdict du procès de Paolo Gabriele est tombé! Le majordome risquait jusqu'à 6 ans de prison pour "vol aggravé" de centaines de documents confidentiels du pape. À l'issue d'un procès qui, avec trois audiences et neufs témoins, n'aura seulement duré qu'une dizaine d'heures, le procureur du tribunal du Vatican avait requis trois ans de prison ainsi qu'une interdiction définitive mais limitée d'exercer des responsabilités dans des administrations publiques. La peine sera finalement ramenée à 18 mois de prison. "Un jugement équilibré", selon la défense.
Les juges ont pris en considération l’absence d’antécédents pénaux, les résultats de service du majordome à l’époque précédant les faits qui lui sont reprochés, "la conviction subjective, bien qu’erronée, exprimée par l’accusé comme mobile de sa conduite", mais aussi sa déclaration concernant sa conscience d’avoir trahi la confiance du pape.
Dans une ultime déclaration devant la cour, avant que le tribunal du Vatican ne rende sa décision, Paolo Gabriele a de nouveau expliqué qu'il ne se considérait pas comme un voleur et qu'il avait divulgué ces documents secrets uniquement par "amour viscéral" pour l'Église catholique et le souverain pontife. Cela pourrait donc, au bout du compte, lui valoir la grâce de ce dernier. Le directeur de la salle de presse du Saint-Siège a d'ailleurs quasiment validé cette possibilité, la qualifiant de "très concrète" et "vraisemblable". Dans ce cas, le majordome, qui a déjà passé plus de 50 jours en cellule, resterait au Vatican où il se verrait confier un emploi subalterne.
Un majordome sous influence
Reste qu'au terme de ce procès expéditif, le mystère demeure. Mis à part les témoignages des gendarmes qui ont retrouvé chez le majordome une quantité innombrable de papiers dont un millier de documents jugés "intéressants" (certains d’entre eux portant même la mention en allemand "à détruire"), les audiences, pour la première fois accessibles aux journalistes, n'ont pas apporté de nouveautés réelles. Elles n'ont en particulier rien amené au niveau du mobile qui a poussé Paolo Gabriele à faire "fuiter" pendant un an dans la presse italienne les documents qui ont ensuite servi à la rédaction du livre du journaliste Gianluigi Nuzzi "Sa Sainteté". La faute sans doute au président du tribunal, qui s'est seulement attaché à l'examen strict de la réalité matérielle du "vol" de documents en écartant délibérément des discussions les motivations de Paolo Gabriele. Ainsi, alors que, dans son réquisitoire, le procureur a soutenu que Paolo Gabriele avait été "aidé par quelqu’un", et qu’il était, selon les conclusions de l’expertise psychiatrique, "facilement influençable", le tribunal n'a jamais fait témoigner ces personnes d'influence, pourtant citées par le majordome.
Mais la recherche de cette vérité aurait forcément pris plus de temps. Or, la rapidité du procès indique que le Vatican n’entendait pas s’enliser dans une procédure, au moment où l’Église est saisie par deux grands engagements: le synode, et l’Année de la foi. Sans compter la célébration du cinquantième anniversaire de l'ouverture de Vatican II, le 11 octobre prochain. Cela étant, les autres enquêtes autour de cette affaire restent ouvertes, a précisé le P. Federico Lombardi. L'affaire Vatileaks est donc à suivre.
Pierre GRANIER