La diffusion sur Internet d'un film, pastiche grotesque de la vie du prophète Mahomet, est à l'origine de nombreux débordements dans le monde, à l'issue parfois tragique. Gouvernements et mouvements religieux de tous bords dénoncent aussi ce brûlot islamophobe mais en dépit des appels au calme, le feu ne semble pas complètement éteint.
A l'instar de ce qui s'était passé avec les caricatures de Mahomet paru dans un journal danois en 2005, le film "L’innocence des musulmans" a provoqué de nombreux soulèvements dans le monde arabe, causant en quelques jours la mort d'une dizaine de personnes. Ces manifestations ont commencé au Caire, en Egypte, le 12 septembre dernier, et ont pris un tour particulièrement violent en Lybie, où des manifestants salafistes ont mis le feu au consulat américain de Benghazi, provoquant la mort de l'ambassadeur des Etats Unis en Libye et de trois autres américains. Même bilan tragique en Tunisie, le 14 septembre. Ce pays est encore sous le choc de ce vendredi noir: les forces de l'ordre tunisiennes n'ont pu contenir l'assaut contre l'ambassade des Etats Unis à Tunis au cours duquel quatre manifestants ont laissé leur vie. Et encore aujourd'hui, un millier d'afghans ont brûlé des véhicules et jeté des pierres devant une base militaire américaine à Kaboul.
Si les Etats-Unis sont le plus souvent la cible de ces violentes manifestations, au Niger, c'est la plus importante église catholique de Zinder (deuxième ville du pays) qui a été "totalement saccagée" vendredi par des islamistes.
Un infâme pastiche
Le film déclencheur de tous ces événements est donc un infâme pastiche dont un long extrait circule sur Internet depuis le début de l'été - à l'exception de quelques pays, la video est toujours en ligne. Cette réalisation bas de gamme et grotesque retrace la vie d'un Mahomet dépravé et hostile aux chrétiens, en y insérant des thèmes sur l'homosexualité et la pédophilie. Insultant et malhonnête sur tout la ligne. Les acteurs ont eux-même été dupés: leurs répliques sont en effet remplacées de temps à autre par de grossiers doublages.
Qui est derrière cette video provocatrice ? Un copte égyptien émigré à Los Angeles et l'organisation Media for Christ qui regroupe des évangélistes américains et antimusulmans comme Terry Jones, un pasteur qui s'est déjà illustré pour avoir brûlé publiquement un exemplaire du Coran.
Des manifestations en Belgique aussi
En Europe aussi, des rassemblements, parfois non autorisés, ont eu lieu pour protester contre ce film. Ce fut ainsi le cas ce weekend en Belgique, à Bruxelles mais surtout à Anvers, dans le quartier de Borgerhout où la police a procédé à 230 arrestations administratives. Mais pour l'essentiel, la communauté musulmane belge, toute indignée qu'elle soit, a préféré le mépris à l'égard de cette video plutôt que l'agitation. Ce lundi, l'Exécutif des Musulmans de Belgique (EMB) a d'ailleurs invité tous les citoyens belges de confession musulmane à garder leur calme et à ne pas répondre à "la provocation" que représente le film. "La violence engendre la violence et nuit aux efforts fournis par les personnes de bonne volonté qui oeuvrent pour la paix et le dialogue entre les peuples et les cultures", a expliqué l'EMB qui reconnaît que "la liberté d'expression est un droit fondamental en démocratie", mais qui doit être exercé "avec intelligence, en évitant toute provocation inutile et incitation à la haine envers autrui".
De son côté, l'association "Musulmans progressistes", va déposer plainte auprès du Centre pour l'égalité des chances. L'asbl considère le film comme une attaque brutale de citoyens de confession musulmane.
Pierre GRANIER