Depuis plus de vingt ans, le gouvernement tchèque et l’Église catholique tentent de régler le délicat dossier de la restitution à celle-ci des biens confisqués par l’ancien régime communiste. En juillet dernier, une solution semblait enfin avoir été trouvée. Mais les sociaux-démocrates ont fait échouer cette énième tentative.
25 février 1948: dans ce qui s’appelle alors la « Tchécoslovaquie », les communistes s’emparent du pouvoir et nationalisent tout ce qui peut l’être. Les édifices religieux et propriétés foncières de l’Église sont du nombre. 28 novembre 1989: à l’occasion de la « Révolution de velours », ces mêmes communistes renoncent à diriger seuls l’État tchécoslovaque, préparant ainsi sa partition en une « République tchèque » et une « République slovaque », ainsi que l’avènement de la démocratie.
Se pose alors, dans la première nommée, le problème de la restitution à l’Église des biens confisqués quarante ans plus tôt. Il faut savoir au préalable que la Tchéquie constitue l’État le moins religieux d’Europe: seulement 2% de ses habitants assistent à la messe dominicale, et près de… 80% d’entre eux se déclarent agnostiques! D’autre part, les croyants sont majoritairement catholiques, moins de 10% d’entre eux appartenant aux Églises luthérienne ou orthodoxe, ou encore à la petite communauté juive locale.
Autonomie financière
À l’issue de longues tractations entre le gouvernement et les représentants de l’Église catholique, deux lois sont votées en 1990 et 1991, qui restituent 170 propriétés foncières à celle-ci. En 2008, un accord global est ensuite signé, mais le Parlement à majorité sociale-démocrate le rejette aussitôt. Motif: le versement de 3,4 milliards d’euros par l’État à l’Église pour compenser les biens impossibles à restituer est jugé « excessif » en période d’austérité. Qu’à cela ne tienne! Le Premier ministre conservateur Petr Necas remet son ouvrage sur le métier, et un nouvel accord est finalement conclu à la fin août 2011.
Que prévoit-il? D’une part, 56% des lieux de culte, terrains et forêts confisqués par le pouvoir communiste seront rendus à l’Église. Pour ce qui est des biens restants, l’État tchèque versera à cette dernière une indemnisation de 2,95 milliards d’euros s’étalant sur trente ans. D’autre part, le financement public des différents cultes sera diminué chaque année de 5% jusqu’en 2030, date à laquelle chacune des Églises et autres communautés devra être totalement autonome sur le plan financier.
Une « campagne totalitaire »
Même si les négociateurs ecclésiastiques ont dû revoir leurs prétentions à la baisse par rapport au premier accord, les débats subséquents se révèleront néanmoins houleux à la Chambre basse du Parlement. Le texte qui concrétise ce nouvel arrangement ne sera finalement voté que de justesse – 93 députés présents sur 200 – le 14 juillet 2012. Le CSSD (Parti social-démocrate tchèque) annonce néanmoins qu’il s’y opposera aussi à la Chambre haute (Sénat), où il détient la majorité des sièges. Et pour échauffer les esprits, ce parti farouchement anticlérical fait circuler quelques jours plus tard une affiche représentant un agent de l’État tchèque offrant un gros sac d’euros à un riche prélat.
Le cardinal de Prague a beau s’emporter et comparer cette « campagne totalitaire » (sic) aux méthodes du « Troisième Reich » (sic), le texte en question est bel et bien rejeté au Sénat le 15 août dernier. Alors, retour à la case départ ou seulement échec temporaire dans cette interminable saga?
Louis MATHOUX
photo: L’église Notre-Dame du Thyn, l’un des bâtiments les plus visités de Prague