Comme chaque année à pareille époque, l’Organisation des Nations Unies (ONU) tient son assemblée générale à New-York. L’édition 2012 a plusieurs « points chauds » à son menu, notamment la situation en Syrie et au mali, mais aussi dans l’est du Congo. Et en toile de fond, les bruits de bottes entre Israël et l’Iran, mais aussi la Chine et le japon. D’où l’avertissement lancé par le secrétaire général Ban Ki-Moon : « Je suis ici pour tirer la sonnette d’alarme quant à la direction que prend notre famille humaine » !
La planète Terre ne tourne pas rond. Le cliché est un peu simpliste, mais pourtant il faut se rendre à l’évidence : crise économique en Europe, aggravation du chômage, pénurie alimentaire et conflits sont autant de problèmes sur lesquels les 39 chefs d’État et de gouvernement qui participent à la 68e assemblée générale onusienne vont se pencher. Nombreux sont ceux qui n’ont pas caché leur inquiétude face à l’enlisement des conflits qui caractérise le monde aujourd’hui dont la Syrie, le Sahel et la province congolaise du Nord-Kivu mais aussi face à la flambée de violence qui a conduit à la mort à Bengazi, en Libye, de l’Ambassadeur américain.
« Les peuples veulent des progrès et des solutions »
« Je suis ici pour tirer la sonnette d’alarme quant à la direction que prend notre famille humaine », a déclaré le secrétaire général des Nations Unies, tandis que le président de l’assemblée générale, le Serbe Vuk Jeremić, a placé cette session sous le signe de « l’ajustement ou du règlement des situations et différends internationaux par des moyens pacifiques ».
S’adressant aux nombreux dirigeants qui viennent pour la première fois à l’assemblée générale, le secrétaire général leur a rappelé que leurs populations veulent des résultats maintenant, pas dans un avenir lointain. « Les populations veulent des progrès et des solutions dès maintenant. Elles veulent des idées, du leadership et un espoir concret pour leur avenir ». Il a mis en exergue les cinq impératifs de son programme d’action: le développement durable, la prévention, l’édification d’un monde plus sûr, l’aide à octroyer aux pays en transition, ainsi que l’autonomisation des femmes et des jeunes. S’il s’est félicité des importantes avancées réalisées sur certains de ces fronts, notamment la transition démocratique actuellement à l’œuvre dans le monde arabe et au Myanmar, il a néanmoins appelé les États Membres à élever le niveau de leurs ambitions.
Ban Ki-Moon a ensuite poursuivi son plaidoyer en rappelant que le monde traverse une époque de « turbulence, de transition et de transformation ». Une époque où le temps ne joue pas en notre faveur et où une catastrophe régionale peut avoir des ramifications mondiales. Par ailleurs, la situation en Syrie l’a conduit à rappeler « notre devoir de donner une sens concret à la responsabilité de protéger ». Dans son allocution, le secrétaire général de l’ONU s’est aussi inquiété de ce que trop de gens soient prêts à se saisir des petites flammes de la différence pour les transformer en brasiers et que « trop de gens tolèrent l’intolérance », faisant ainsi allusion à la flambée de violence provoquée le film anti-islam.
Syrie : des crimes qui ne peuvent rester impunis
Car, la Syrie reste l’un des conflits majeurs de ces derniers mois, hélas pas le seul. Mais, dans la guerre civile qui frappe le pays, les dirigeants du monde reste partagés sur le moyen d’apporter une solution pacifique. Pour beaucoup, le régime du président el-Assad a été trop loin. C’est en tous cas l’avis du président français, François hollande qui a déclaré à la tribune que « le régime syrien actuel ne retrouvera jamais sa place dans le concert des nations », ajoutant que la France reconnaîtrait le gouvernement provisoire, « représentatif de la nouvelle Syrie libre », lorsqu’il serait formé. Rappelant que plus de 18.000 personnes ont été tués depuis le début de l'insurrection contre le régime du Président Bachar al-Assad il y a 18 mois et que près de 2,5 millions de syriens ont urgemment besoin d'une aide humanitaire, Ban Ki-Moon a déploré de son côté une détérioration de la situation et la menace qu'elle représentait pour la stabilité du Moyen-Orient. « La communauté internationale ne devrait pas se détourner d'une violence incontrôlable », a-t-il lancé, enjoignant les membres du Conseil de sécurité et les pays voisins de la Syrie à soutenir les efforts du représentant spécial de l'ONU et de la Ligue des États arabes, Lakhdar Brahimi, pour trouver une solution pacifique et négociée au conflit. « Des violations brutales des droits de l'homme continuent d'être commises, en premier lieu par le gouvernement, mais également par des groupes d'opposition. De tels crimes ne peuvent rester impunis. Il n'y a pas de prescription pour une telle violence », a jugé le secrétaire général.
Le Saint-Siège en faveur d’une véritable famille humaine
De son côté, le délégué du Saint-Siège, Mgr Dominique Mamberti, secrétaire pour les relations avec les états, a rappelé que « face à des problèmes, anciens comme nouveaux, cette réunion permet de réaffirmer notre volonté de trouver des solutions politiques applicables globalement, à l'aide d'un système juridique enraciné dans la dignité de l'humanité, c'est à dire dans le droit naturel. Là se trouve la meilleure solution si nous voulons réaliser les grands projets qui se fondent sur la Charte des Nations-Unies et sur la Déclaration universelle des droits de l'homme, actualisés par les traités sur les droits humains, le désarmement, la codification des règles du droit international, mais aussi par les fruits de l'application du droit humanitaire ». Et le prélat de souligner que l'ONU demeure la référence centrale pour la réalisation d'une véritable famille des nations, dans laquelle l'intérêt des plus puissants ne saurait plus prévaloir sur les besoins des plus faibles. « Tout ceci sera possible si la législation internationale se base sur le respect de la dignité de la personne et le droit prééminent à la vie et à la liberté religieuse ».
Aux côtés du dossier syrien figurent d’autres foyers de tensions qui réclament des solutions d’urgence. C’est le cas du Sahel et du Congo. François Hollande a aussi mis l’accent sur la situation dans le nord du Mali, où les extrémistes islamiques font régner la terreur. « Il s’agit de permettre au Mali de retrouver, le plus vite possible, son intégrité territoriale et d’éliminer la menace du terrorisme », a martelé le chef d’Etat français. Dans la foulée, le président du Sénégal, Macky Sall, a engagé le Conseil de sécurité à autoriser les actions nécessaires. « Si la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) prend des mesures pour tenter de résoudre la crise, une aide urgente des Nations Unies est nécessaire pour y garantir la paix et la sécurité », a insisté, à son tour, le président du Nigéria, Goodluck Jonathan.
L’autre conflit à l’ordre du jour de l’assemblée concerne la situation dans la province congolaise du Nord-Kivu. Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, n’a pas mâché ses mots : « Cette situation est inacceptable, mérite d’être condamnée et doit donner lieu à des sanctions ». Il a dit attendre de la communauté des nations qu’elle prenne ses responsabilités et du Conseil de sécurité qu’il fasse respecter ses résolutions « contre une force négative dirigée par des éléments impénitents du fait de leur grande capacité de nuisance et de soutiens extérieurs ».Invités également par le Secrétaire général à une réunion sur la situation à l’est de la RDC, le Président du Rwanda, Paul Kagame, et le vice-président de l’Ouganda, Edward Kiwanuka Ssekandi, ont vanté les mérites des initiatives locales et régionales, dont la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL), car « fondées sur une meilleure compréhension du terrain ». On le sait, le Rwanda est accusé de soutenir les rebelles du M23 dans l’Est, ce que Kigali dément sans jamais avoir apporté les preuves de ses dénégations.
Iran, Israël, Chine et Japon
Autre orateur de cette première journée, le président Barack Obama a rendu un vibrant hommage à Chris Stevens, Ambassadeur des États-Unis en Libye, tué lors de l’attaque contre le consulat américain à Benghazi. Le Président américain a déclaré: « Aucune vidéo ne peut justifier une attaque contre une ambassade. L’avenir ne doit pas appartenir à ceux qui offensent l’islam et le Prophète mais, pour être crédible, ceux qui condamnent la calomnie doivent aussi condamner la haine dans les images profanées de Jésus-Christ ou la négation de l’Holocauste ». L’hôte de la Maison Blanche a aussi pointé du doigt le programme nucléaire iranien. Un dossier qui suscite chez d’autres aussi les mêmes inquiétudes. Si le Président Obama a indiqué que l’Amérique souhaite trouver une solution par la diplomatie, son homologue français s’est dit prêt à prendre de nouvelles sanctions contre l’Iran.
Mais, ce qui inquiète aussi les responsables réunis à New-York, ce sont les tensions entre des pays comme la Chine et le japon – qui nous ramènent à une triste époque – et celles entre Israël et l’Iran. Dans ces deux cas, la menace militaire semble se préciser, ce qui inquiète les Nations-Unies. Certes, en marge de l’assemblée, les ministres des affaires étrangères japonais et chinois se sont rencontrés pour évoquer la crise en mer de Chine orientale qui a fait monter la tension entre les deux pays. Il n’empêche, les bâtiments de guerre se font face. Autre menace militaire : la possible intervention de l’aviation israélienne en Iran. Tel-Aviv est en effet de plus en plus convaincu le régime des mollahs - qui conteste l'existence de l'Etat d'Israël -tente de se doter de l’arme nucléaire. Même si Téhéran dément, il est vrai que le président Mahmoud Amajinehad – dont le mandat s’achève en juin 2013 – a l’art de souffler le chaud et le froid. Affirmant que le programme nucléaire iranien est purement civil, il jette en permanence le doute par ses refus de laisser contrôler ses installations par l’AIEA. Si les USA prônent un durcissement, Israël évoque clairement une intervention militaire, comme elle en avait déjà usé dans le passé. « Je rejette (...) les menaces d'action militaire d'un Etat contre un autre », a lancé Ban Ki-Moon.
Bref, une assemblée dont on ne peut tirer jusqu’ici qu’un seul enseignement : si l’état des lieux n’est guère réjouissant, il y a bien une prise de conscience des « foyers » de tensions. Mais, il n’y a pas encore de solution avancée. Et dans les deux derniers dossiers évoqués, les bruits de bottes se font chaque jour plus insistant. Il y a donc urgence. Les jours qui viennent permettront peut-être à la diplomatie de reprendre la main. C’est l’espoir qu’il faut formuler.
Jean-Jacques Durré