Plus d'un mois s'est écoulé depuis le décret signé par la Secrétairie d'Etat le 21 juillet 2012 privant l'Université de Lima de deux de ses titres "pontificale" et "catholique" par le Saint-Siège. Cette rupture des relations entre l'université péruvienne et Rome due à une polémique qui dure depuis 40 ans, n'en finit pas de diviser l'Eglise péruvienne. Une médiation se dessine pourtant, elle pourrait venir de la communauté jésuite du Pérou. En effet, le provincial des jésuites péruviens s’offre en médiateur.
La PUCP de Lima (Pérou), l’une des plus prestigieuses universités catholiques d’Amérique latine avec ses 22 000 étudiants suivis par 3 000 enseignants dans dix facultés, a formé de nombreuses générations de théologiens. Mgr Gerhard Müller, nouveau préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, en est docteur honoris causa.
Le chancelier de l'Université péruvienne, le cardinal Juan Luis Cipriani Thorne, archevêque de Lima, membre de l’Opus Dei, lui reproche, depuis plusieurs années, de ne pas respecter les dispositions de l’exhortation apostolique Ex Corde Ecclesiae, de 1990. Celle-ci prévoit la nomination du recteur par l’évêque du lieu, ainsi qu’une participation de ce dernier à la gestion du patrimoine de l’université.
Pour rappel, après l’échec de la mission de médiation conduite, au nom du pape, par le cardinal hongrois Peter Erdö, archevêque d’Esztergom-Budapest, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’État du Saint-Siège, a signé un décret, le 21 juillet dernier, interdisant à la PUCP de se prévaloir des dénominations canoniques de « pontificale » et de « catholique ».
Depuis la publication de cette décision, la polémique enfle, et le conflit public s’est intensifié. Les dirigeants de la PUCP n’ont pas tardé à qualifier de "déplorable" le choix du Saint-Siège, formulé par le cardinal secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone. Le recteur de l’établissement, Marcial Rubio, a même précisé qu’il entendait malgré tout maintenir les qualificatifs contestés. Au vu de la "gravité" des termes du décret, il estimait aussi que l’Université devrait "reconsidérer sa relation statutaire" avec l’Eglise catholique.
Dans ce contexte, face à l’avalanche de critiques de la part des dirigeants de la PUCP envers le cardinal Cipriani dans sa gestion de la controverse, la Conférence épiscopale du Pérou (CEP) a décidé de prendre sa défense. Dans un communiqué publié le 24 juillet, la CEP assure ainsi s’opposer aux attaques formulées à l’encontre du haut prélat. Par ailleurs le 7 août elle publie un communiqué solidaire de la décision vaticane, dans lequel elle souligne sa "totale fidélité et adhésion" à l’invitation faite à la PUCP par Mgr Salvador Pineiro Garcia-Calderon, président de la CEP, de se soumettre à la décision du Saint-Siège.
Mgr Luis Bambaren Gastelumendi, ancien évêque de Chimbote, a regretté une semaine plus tard que les évêques se rangent derrière le cardinal Cipriani, membre de l’Opus Dei. Ainsi, dans une lettre adressée à Mgr Pineiro datée du 15 août, Mgr Bambaren, prélat jésuite influent et ancien président de la CEP, critique vivement l’appui de la CEP au cardinal Cipriani dans ce qu’il considère comme une question entre l’archevêque de Lima et l’Université. A ses yeux, "ce qui était un problème local (…) est devenu un problème de l’Eglise qui a d’abord été marginalisée, avant d’être instrumentalisée, au détriment du peuple de Dieu". "Nous sommes, écrit-il, en train de perdre la meilleure Université du Pérou".
Peu après, le provincial de la Compagnie de Jésus au Pérou, le Père Miguel Gabriel Cruzado Silveri, a signé le 20 août une lettre parue ensuite dans la presse locale, adressée elle aussi à Mgr Pineiro président de l’épiscopat péruvien, avec copie au préposé général des jésuites à Rome, le P. Adolfo Nicolas, au cardinal secrétaire d’État, et aux deux préfets romains des congrégations pour la doctrine de la foi et de l’éducation catholique. Soucieux d’une reprise du dialogue, le P. Silveri rappelle que la PUCP est « un instrument efficace d’évangélisation », « un lieu de rencontre de la foi et de la raison dans notre société ». Tout au long des 5 pages du document, il explique non seulement la nature de la présence des jésuites au sein de l’établissement, mais aussi le rôle de l’Université pour l’Eglise péruvienne. Selon lui, le conflit peut encore être résolu. Il rappelle le pré-accord intervenu en mars 2012 entre les parties et les adjure de reprendre le dialogue sur cette base : « L’Église ne doit pas courir le risque de perdre une telle institution académique, de s’enfermer dans les clivages et l’amertume. »
BL avec apic et Lcx