Alors que les combats font rage dans différentes ville, les chrétiens de Syrie, répartis entre une douzaine d'Églises, craignent d'être identifiés au régime de Bachar al-Assad. Le Vatican s'inquiète de voir le conflit dégénéré en guerre confessionnelle.
La guerre n’en finit pas en Syrie et il devient difficile de se faire une idée précise de la situation. Par ailleurs, si l’armée régulière est accusée d’exactions sur les populations, l’Armée Syrienne Libre (ASL) des rebelles n’est hélas pas en reste. A Alep, le 31 juillet dernier, les opposants armés au régime ont exécuté froidement des hommes d’un clan sunnite proche du pouvoir. Dans une vidéo postée sur YouTube par l’ASL, on voit quatre hommes, le visage tuméfié, traînés contre un mur et tués de longues rafales de kalachnikov.
La vidéo de l'exécution a déclenché de nombreuses critiques, car elle ternit l'image des rebelles. Human Rights Watch, a qualifié ces actes de « crime de guerre ». Plusieurs opposants syriens au régime d'Assad ont exprimé leur condamnation devant ce geste contraire aux règles internationales sur le traitement des prisonniers de guerre.
Assimilés par le régime ?
Si les combats font rage à Alep, des combats entre armée régulière et rebelles ont éclaté mercredi 1er août aux abords de deux quartiers chrétiens de Damas. Or, jusqu'à présent, la communauté chrétienne s'est efforcée, dans son ensemble, de se tenir à l'écart du conflit. Minoritaire en Syrie, les chrétiens ont toujours été préservés par le régime de Bachar al-Assad, lui-même issue d’une minorité de l’islam. Cette proximité leur fait craindre aujourd’hui d’être identifiés au régime du président. La perspective du remplacement de la dictature par un gouvernement transitoire pluraliste inquiète les membres des quelque douze Églises syriennes, orthodoxes ou fidèles à Rome. La présence vraisemblable, entre autres, des Frères musulmans dans les futurs gouvernements ne rassure pas, même si la confrérie promet depuis longtemps, dans ses manifestes, l'égalité de toutes les confessions.
«S'ils prenaient le pouvoir, ce serait une menace pour la présence à long terme des chrétiens dans cette région», redoute Mgr Abraham Nehmé, évêque grec-catholique, métropolite de Homs de 1986 à 2005. Les chrétiens craignent d'autant plus la répression que nombre de leurs hauts dignitaires ont ouvertement repris les arguments du pouvoir, en niant le caractère populaire du soulèvement. Le primat de l'Église syriaque orthodoxe, Ignace Zakka Ier Iwas, a ainsi déclaré en février dernier, à l'agence russe RIA Novosti, que la révolte était fomentée «par des forces extérieures et non par les membres de la société syrienne ». Certains religieux ont aussi dénoncé une «chasse aux chrétiens» ourdie par des groupes salafistes, en particulier à Homs.
Les Eglises appellent à l’unité
Le Vatican s'inquiète de telles dérives. Selon le nonce apostolique de Damas, Mgr Mario Zenari, « pour le moment, la guerre civile ne s'est pas transformée en guerre confessionnelle. Mais les guerres sont toujours propices aux passions identitaires ».
Par ailleurs, Grégorios III Laham, patriarche grec-melkite catholique d’Antioche et de tout l’Orient, d’Alexandrie et de Jérusalem, a confié ces réflexions et observations qui éclaircit les positions de l’Eglise locale face aux évènements dramatiques de la Syrie et à certaines entorses à la déontologie par rapport à ces évènements. Dans une longue lettre, le patriarche estime que « le plus grand danger en Syrie actuellement est l’anarchie, le manque de sécurité ainsi que l’irruption massive des armes de tous côtés ». Il poursuit en rappelant que les chrétiens, eux aussi, sont exposés à ce même danger, tout en précisant qu’ils sont « le maillon faible « , car sans défense. Si les chrétiens sont exposés aux dangers, ils sont aussi, pour Grégorios III Laham , la partie pacificatrice, non armée, qui appelle au dialogue, à la réconciliation, à la paix et à l’unité. Il précise qu’il n’y a pas de conflit islamo-chrétien.
Grégorios III Laham lance aussi un appel au monde arabe pour l’inviter à l’unité, estimant que celui-ci est divisé et que cette division est la raison des dangers qui guettent la région. « La paix est dans l’unité du monde arabe et le salut des chrétiens n’est assuré que dans l’unité du monde arabe, d’où découlent les circonstances propices à la convivialité et au dialogue islamo-chrétien et islamo-islamique », écrit-il
Et de conclure : « Le monde islamique a besoin de la présence chrétienne auprès de lui, avec lui et pour lui en liaison et en interaction comme c’était le cas historiquement. Cette présence perdurera et elle doit perdurer. J’affirme que l’Islam a besoin du christianisme et que les musulmans ont besoin des chrétiens et nous resterons avec eux et pour eux comme nous l’avons toujours été par le passé et tout au long de 1435 ans d’histoire commune ».
JJD
Réflexions du patriarche Gerogrios III sur la situiation en Syrie