Editorial de Pascal André paru dans le « Dimanche Express » n°20 du 27 mai 2012 :
La crise économique et financière, qui a débuté en 2007 avec l’explosion des subprimes, n’en finit pas de durer. Les taux de croissance restent désespérément anémiques, les États font le gros dos dans l’attente de jours meilleurs, et les populations continuent de souffrir, se demandant avec angoisse quel sera le prochain coup de massue. Rien ne mesure d’ailleurs mieux le désespoir des peuples que le scrutin hellène du 6 mai dernier. Déboussolés, les Grecs ont élu un Parlement… ingouvernable. Peut-on envoyer message plus clair que celui-là?
Ce qu’il y a d’effrayant dans tout cela, c’est que rien n’a réellement changé depuis 2007. Pour preuve, la semaine dernière, Bruno Iksil, un trader français, a défrayé la chronique en faisant perdre deux milliards de dollars à JP Morgan, la plus grande banque américaine. Comme si aucune leçon n’avait été tirée de l’affaire Jérôme Kerviel. Mais ce nouveau scandale n’est que la pointe émergée de l’iceberg. En effet, après un passage à vide en 2008, les hedge funds continuent de brasser des sommes faramineuses; les produits toxiques n’ont toujours pas été nettoyés; et l’endettement reste endémique, tant au niveau des individus que des collectivités. Ainsi, en 2012, la dette publique totale de la zone euro devrait s’établir à 88,7% du PIB contre 66,3% en 2007.
Marre, donc, des belles phrases et des promesses jamais tenues. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’une réforme en profondeur de notre système économique et financier, ainsi que de règles communes, disant le permis et le défendu. Car les peuples se lassent et se laissent de plus en plus séduire par les sirènes du populisme. Certes, ils savent qu’aucun pays n’échappera à la rigueur dans la gestion des finances publiques (on ne peut vivre indéfiniment au-dessus de ses moyens). Mais on ne leur fera pas accepter cette rigueur s’ils ont le sentiment que la danse folle continue et que la spéculation, restée pour ainsi dire à l’état sauvage, peut tout balayer en quelques secondes.
« Si aucun remède n’est apporté aux différentes formes d’injustice, les effets négatifs qui en dériveront au plan social, politique et économique engendreront un climat d’hostilité croissante et de violence, jusqu’à miner les bases mêmes des institutions démocratiques », mettait en garde le Conseil pontifical Justice et Paix, en octobre dernier. Des propos pleins de sagesse, auxquels nos dirigeants feraient bien de porter toute l’attention qu’ils méritent. Car il y a péril en la demeure.