L’enquête menée par la Gendarmerie vaticane sur les fuites de documents confidentiels a permis d’identifier une personne en possession illégale de tels documents. Un suspect a été intercepté le 24 mai. Il pourrait s’agir du majordome du pape.
Sollicité par les journalistes, le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, le Père Federico Lombardi, a indiqué, le 25 mai, que « cette personne se trouvait à la disposition de la magistrature du Vatican (équivalent du Parquet, ndlr) pour des approfondissements supplémentaires ».
Le porte-parole du Saint-Siège a réagi très peu de temps après que le quotidien italien « Il Foglio » eut soutenu que le majordome du pape, Paolo Gabriele, avait diffusé des documents confidentiels passés entre les mains de Benoît XVI ou de son secrétaire particulier, Mgr Georg Gänswein.
Arrivé au service personnel du pape début 2006, Paolo Gabriele est l’une des très rares personnes à avoir accès aux appartements du pape. Logé hors du Palais apostolique, ce quadragénaire y passe cependant ses journées auprès de Benoît XVI avec les quatre laïques consacrées italiennes au service du pape et ses deux secrétaires particuliers.
La déclaration du Père Lombardi intervient en outre au lendemain du départ forcé du président de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR), l’Italien Ettore Gotti Tedeschi. Des notes confidentielles envoyées par ce dernier à Mgr Gänswein figurant dans le livre-choc de Gianluigi Nuzzi « Sa Sainteté – les documents secrets de Benoît XVI » ont fait dire à la presse italienne que le « banquier du pape » pourrait être parmi ceux qui ont facilité la publication de certains documents confidentiels.
A qui profite le crime?
Après la publication de ce livre plusieurs journalistes observateurs de la vie au Vatican s’interrogent sur les intentions qui ont conduit à ces fuites sans précédent. Sur son blog, l’un des vaticanistes de La Stampa, Andrea Tornielli, juge tout d’abord que le Saint-Siège, dans le communiqué publié le 19 mai dernier, a réagi avec « une extrême dureté » en qualifiant la publication de ces documents confidentiels d’ « acte criminel ». Il note que le Vatican possède avant tout « un problème de sécurité interne » et que le « criminel » est d’abord celui qui, au sein de la curie, a favorisé la publication de ces documents.
S’il soutient que ces fuites concernent des évènements déjà connus, Andrea Tornielli estime surtout qu’il convient de se demander « quel affrontement est en cours dans les couloirs du Vatican », ou encore « qui a voulu téléguider cette diffusion de documents sans précédent, et pourquoi ». Le vaticaniste italien assure enfin qu’il ne croit en rien à l’hypothèse avancée par Gianluizi Nuzzi selon laquelle l’auteur de ces fuites serait seulement motivé par plus de transparence au sein de la curie.
« A qui profite le crime? », demande à son tour sur son blog Frédéric Mounier, correspondant au Vatican du quotidien français « La Croix ». S’il juge « passablement alambiquée » la thèse selon laquelle il s’agirait de « favoriser une reprise en main vigoureuse du système de gouvernement de l’Eglise », il fait également état d’un autre scénario: celui selon lequel « une vieille garde composée des acteurs de premier plan des derniers gouvernement de Jean-Paul II appellerait de ses vœux le départ du cardinal Bertone ».
Car, assure le vaticaniste français, « ce livre constitue clairement une attaque formelle contre le secrétaire d’Etat, le cardinal Tarcisio Bertone ». Mais Frédéric Mounier estime surtout que cette « transparence explosive » qui ne pourra « rester sans conséquences » n’est pas plus souhaitable que « le mur de silence qui entourait jusque-là le travail de la curie ». Il juge enfin que l’on y perçoit « les échos d’une communauté humaine, trop humaine, et peut-être trop italienne ».
Vaticaniste du quotidien « Il Foglio », Paolo Rodari juge pour sa part « inconcevable que les gendarmes du Vatican ne soient pas en mesure de trouver qui parvient à avoir accès aux archives de la Secrétairerie d’Etat ». Ainsi, les notes internes, lettres et autres documents confidentiels révélés dans Sa Sainteté portent, pour certains, le tampon « Vu par le Saint-Père » ou encore un paraphe de la main de Benoît XVI. C’est donc après leur passage entre les mains du pape et de son secrétaire particulier qu’ils ont été interceptés.
Apic