Ce dimanche, les Français vont donc voter pour le premier tour des élections présidentielles françaises, au terme d’une campagne assez médiocre. Même les évêques l’ont reconnu ! Cela n’empêche pas les Belges de regarder cela avec un intérêt d’autant plus accru qu’ils connaîtront avant leurs voisins les toutes premières estimations des résultats !
Il n’y a plus guère de suspens quant aux noms des deux finalistes. Les divers instituts de sondage ont placé Nicolas Sarkozy et François Hollande en tête depuis longtemps et avec suffisamment d’avance sur leurs poursuivants pour que la surprise de 2002 (Jean-Marie Le Pen au deuxième tour) ne se reproduise pas. Le clivage gauche/droite se confirme à nouveau, et le Modem, le parti du centre incarné par François Bayrou, ne réitèrera pas sa percée de 2007.
La seule incertitude ne concerne que la place, symbolique, de « troisième homme » que se dispute Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier est sans conteste la « révélation » d’une campagne que les Français ont jugée plutôt terne, voire indigente. Un récent sondage faisait ainsi apparaître qu’aucun des projets présentés par les 10 candidats ne recueillait de net assentiment des Français, alors même que ces derniers sont 71% à considérer qu’ils sont en train de vivre un changement de société. Pour le favori, François Hollande, les sondés n’étaient ainsi que 47% à estimer qu’il propose des solutions d’avenir. Et c’est le meilleur score, devant François Bayrou et Nicolas Sarkozy.
Pas de vision à long terme
Les émissions télé, les grands meetings n’y ont rien changé: les Français vont voter un brin désabusés. S’ils vont voter… Une importante abstention est redoutée pour ce 22 avril, un mal chronique en France depuis quelques élections. Déboussolés par les diverses menaces qui les entourent (réchauffement de la planète, crise financière, redressement des comptes publics), ils n’ont clairement pas trouvé de guide, ni de projet de société auquel se rallier avec passion. En tout cas pas de proposition à long terme, de réelle vision d’avenir. Chez Nicolas Sarkozy, ce fut même une stratégie: les mesures furent égrenées au fil des jours.
Les enjeux ont pourtant bien été posés, mais il est fort probable que la crise internationale et les angoisses qu’elle suscite les ont couverts. Du coup, des thèmes aussi secondaires que la viande halal ou le passage du permis de conduire à l’école sont apparus. Au détriment de la santé, et même de l’écologie (mis à part le débat sur le nucléaire) qui n’ont pas eu la place qu’elles méritaient. Le faible écho recueilli par le parti des Verts, et sa candidate Éva Joly, le reflète parfaitement.
Il y a quand même eu des points positifs: le sujet de la dette française a vraiment été présent – comment aurait-il pu ne pas l’être dans le contexte européen actuel ? – ainsi que celui de la désindustrialisation du pays, au milieu des nombreux autres thèmes économiques qui ont, eux, écrasé cette campagne, avec leurs injonctions contradictoires: rigueur ou pas rigueur? De ce côté-là, le débat a été riche, en dépit de propositions parfois irréalistes ou floues.
Par ailleurs, sur les questions de sécurité, toujours sensibles, on saluera le fait que personne n’aura tenté de récupérer les épisodes dramatiques de Toulouse et de Montauban survenus en mars.
Et les cathos ?
Majoritairement acquis à la droite, les catholiques pratiquants (environ 6 millions d’électeurs) semblent opérer un glissement significatif vers la gauche qui pourrait bien contribuer à l’élection de François Hollande. Selon un sondage de l’IFOP, ceux parmi eux qui ont été déçus par Nicolas Sarkozy, pourraient même être une des clés de l’élection de 2012. Ils seraient en effet 650.000 à choisir ainsi la gauche au deuxième tour, soit 2% de l’électorat. Ce qui correspond au facteur de basculement dans un scrutin qui se jouerait à 52/48… Le bilan du président sortant est pourtant loin d’être négatif du point de vue des catholiques pratiquants si l’on se réfère aux valeurs fondamentales qui les touchent le plus: liberté scolaire, laïcité apaisée, défense de la vie et refus de l’euthanasie, intangibilité du mariage, refus de l’homoparentalité… Mais cette frange d’électeurs a sans doute été exaspérée par une autre facette de ce bilan, celle « bling-bling » du début de mandat avec ses mesures favorisant les plus riches, au mépris des plus faibles.
De leur côté, les évêques de France ont publié des critères pour aider les catholiques à se prononcer dans un document intitulé: « Élections : un vote pour quelle société ? » Tandis que le porte-parole de la Conférence épiscopale vient de rappeller que voter est une « liberté durement acquise ». « Le niveau de la campagne est certes décevant. Mais, n’ajoute pas ton abstention à cette médiocrité ambiante », lance Mgr Bernard Podvin à la veille de ces élections.
A l’heure de Twitter
Aux Français maintenant de faire la vérité sur leur choix ! Et aux réseaux sociaux (Twitter, Facebook…) de s’emparer des premiers résultats (les bureaux de vote ferment à 18h dans toute la France sauf dans les grandes villes, à 20h) pour une ultime controverse et un dernier sursaut d’intérêt en cette fin de premiers parcours. Le Conseil constitutionnel avait déjà souligné le problème dès 2007 et préconisé la même heure de fermeture pour tous les bureaux de vote. Malheureusement, on n’a pas écouté son bon sens. Tant mieux pour la Belgique qui pourra annoncer la première, bien avant les « 20h pétantes », les noms des deux finalistes, en toute impunité !
Pierre GRANIER