Plusieurs millions de chrétiens ont pris part à la procession du "Nazaréen noir", aux Philippines, le 9 janvier 2012, bravant les mises en garde du gouvernement concernant des menaces d'attentats. A Manille, ainsi que dans d'autres villes de l'archipel, des millions de croyants ont suivi avec ferveur la procession traditionnelle de la statue grandeur nature du "Nazaréen noir", qui n'est exposée à la vénération des fidèles que le vendredi saint et le 9 janvier. Malgré les craintes des autorités, aucun incident majeur n'a été déploré.
Cette procession est l’une des manifestations les plus caractéristiques de la piété populaire du catholicisme philippin. La statue, qui représente le Christ portant sa croix, est habituellement exposée dans la basilique mineure de Quiapo, à Manille. L’intense dévotion populaire qui lui est attachée remonte à près de quatre siècles, après qu’elle eut, selon la tradition, échappé miraculeusement le 31 mai 1606 à l’incendie du navire qui l’acheminait depuis le Mexique. Avec son bois noirci par l’incendie – d’où sa dénomination de "Nazaréen noir" –, la statue est également sortie indemne des incendies qui ont ravagé la basilique de Quiapo en 1791 et 1929, des grands séismes de 1645 et 1863 et du bombardement de Manille en 1945.
Chaque année, le 9 janvier, la statue du Christ déambule sur un char dans les rues, drainant des foules considérables qui vont pieds nus en souvenir du calvaire du Christ et qui cherchent à la toucher. Puisqu'ils ne peuvent atteindre la statue que l’on dit dotée de pouvoirs miraculeux, les fidèles lancent foulards, écharpes et T-shirts en direction du char et de son précieux chargement, avec l’espoir que les tissus ayant touché le Christ seront ensuite relancés vers ceux qui se pressent pour les récupérer. Selon la tradition populaire, toucher la statue, son char ou un tissu les ayant effleurés, est l’assurance de voir ses prières exaucées.
Si la procession, en raison des bousculades qui l’accompagnent, fait chaque année de nombreux blessés et même des morts, les inquiétudes des autorités se doublaient, cette fois, d’une menace sérieuse et "crédible" d’attentat. Le président Benigno Aquino en personne "avait estimé de son devoir de mettre en garde le public". L’annonce présidentielle avait été si pressente que les organisateurs de la procession avaient même pensé annuler l’événement. Pas moins de 15.000 agents ont été mobilisés pour assurer la sécurité des participants. Et les relais de téléphonie mobile couvrant le périmètre du parcours de la statue ont été désactivés, afin de prévenir tout déclenchement de bombe par téléphone portable.
Selon Mgr Jose Clemente Ignacio, recteur de la basilique de Quiapo, la mise en garde des autorités a pu contribuer à la considérable affluence qu’a connu la procession cette année. Partie de Rizal Park, la statue a regagné la basilique mineure au terme d’un parcours où, selon les estimations diffusées par la presse locale, six à sept millions de personnes étaient massées. Dans la basilique, des messes ont été célébrées de manière ininterrompue, jusqu'au 10 janvier.
Quant à Mgr Bernardino Cortez, évêque auxiliaire de Manille, il précise que nombre de fidèles "ont même déclaré que s’ils mourraient au cours de la procession du Nazaréen, en accomplissant un acte de foi, ils iraient certainement au Paradis. Le Nazaréen fait des miracles, il s’agit d’un frère dans la souffrance, d’un message d’espérance pour les pauvres (…) et il est frappant de constater qu’il constitue un point de repère surtout pour les jeunes, qui ont été très nombreux".
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