Depuis le 9 janvier, le Nigeria connaît une grève générale, alors qu’il était déjà le théâtre de vives tensions religieuses. Cette problématique sociale complexifie encore la situation explosive après les récentes attaques meurtrières du groupe Boko Haram.
Les syndicats ont appelé le 9 janvier à la grève générale pour une durée indéterminée. Ils exigent que le gouvernement rétablisse les subventions aux carburants, dont la suppression le 1er janvier a entraîné une brusque hausse des prix de l’essence. Le litre à la pompe a doublé, en passant de 65 nairas (0,30 euro) à 140 nairas (0,66 euro). Un prix impossible à payer pour la majorité des habitants qui vivent avec moins de 1,50 euro par jour. Premier producteur de pétrole au sud du Sahara, le Nigeria est pourtant importateur de produits raffinés. Le gouvernement justifie cette augmentation par sa volonté d’empêcher les fraudes sur la vente des carburants.
« Le Nigeria est présenté comme un théâtre d’affrontement ouvert entre musulmans et chrétiens, mais ce n’est absolument pas vrai » selon l’archevêque d’Abuja. Réagissant aux rumeurs d’une possible division du Nigeria en deux Etats indépendants, séparant ainsi le nord musulman du sud chrétien, Mgr Onaiyekan, a déclaré qu’il « s’agit d’une idée folle et insensée qui plongerait la nation dans des problèmes vraiment plus graves ». Pour l’archevêque, la division entre les deux communautés religieuses n’est pas si nette : « Musulmans et chrétiens cohabitent parfaitement. Ils vont à l’école ensemble, travaillent ensemble et servent l’armée ensemble ». Mgr Onaiyekan a également désapprouvé le portrait que les médias font des chrétiens et les propos et intentions qu’on leur attribue suite à ces attaques : « Dépeindre les fidèles comme des êtres sans défense face aux violences de la secte extrémiste des Boko Haram n’est pas bien », « Les Boko Haram, a expliqué l’archevêque, sont des terroristes qui frappent quiconque entraverait leur chemin. Ils disent agir au nom de l’islam, mais tuer des innocents est totalement contraire à la religion islamique ».
« Les violences qui endeuillent la communauté chrétienne au Nigeria ne sont pas une guerre de religion, mais répondent à des intérêts visant à la désintégration de la fédération », a, par ailleurs, déclaré le cardinal Anthony Olobunmi Okogie, archevêque de Lagos. Celui-ci dénonce la pression suscitée par les intérêts économiques, à cause des ressources pétrolières. « C’est une escalade tragique… Je n’ai pas de preuves que les terroristes de Boko Haram reçoivent un soutien de l’étranger, mais il est évident que leur menace a pris de l’ampleur par rapport au passé ». « Le dialogue est l’antidote au venin du terrorisme. Nous ne répondrons pas à la violence par la violence » a promis le prélat.
Les attaques actuelles contre les chrétiens rappellent la guerre civile de la fin des années 60. « La guerre du Biafra avait des racines ethnique et politique. Les attentats de la secte Boko Haram impliquent des dimensions ethnique, sociale, politique, religieuse et même criminelle. C’est pourquoi la situation actuelle est plus dangereuse que lors de la guerre du Biafra », a commenté Mgr Ignatius Ayau Kaigama, archevêque de Jos, qui précise encore que « La dimension religieuse concerne en effet l’intimité la plus profonde des personnes. On risque de faire appel aux instincts les plus irrationnels de l’homme ». Des propos confirmés par le chef de l’Etat nigérian, qui soutient également que « La situation actuelle est pire que la guerre civile », se référant, lui aussi, à la sécession du Biafra (1967-1970) qui provoqua un million de morts. « Au cours de la guerre civile, nous savions et avions les moyens de savoir de quel côté venait l’ennemi… mais le défi que nous devons relever aujourd’hui est plus compliqué ».
fides/apic/zenit/la croix/at