Burkina Faso : les accusations de sorcellerie perdurent


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Burkina Faso : les accusations de sorcellerie perdurent
Par Angélique Tasiaux
Publié le - Modifié le
3 min

L’Eglise catholique s'engage, avec sa commission Justice et Paix, contre les violences commises à l’égard des femmes. Parmi celles-ci, les mutilations génitales féminines (MGF) et les accusations de sorcellerie, contre lesquelles il n'y a pas encore de réelle volonté politique.

Le secrétaire national de la Commission épiscopale, François de Sales Bado, témoigne : "Sans le savoir, nous sommes tous complices d’un génocide qui ne dit pas son nom. Oui, par notre silence, nos peurs, nous sommes individuellement et collectivement responsables de génocide à l’égard de milliers de femmes pauvres et sans défense, à qui notre société dénie tout simplement le droit à la vie.".

"A l’occasion d’un évènement malheureux (décès d’un enfant ou d’un adulte), une personne âgée, et le plus souvent une femme, est accusée d’avoir "mangé" l’âme de la personne décédée. Après divers rites ésotériques, la personne convaincue de sorcellerie est chassée de sa famille et de son village après avoir subi des traitements cruels, inhumains et dégradants dont notamment: les sévices corporels, la lapidation, la destruction ou l’incendie des maisons d’habitation, la spoliation des biens et des maigres revenus. Les accusations sont faites par un membre de la famille ou de l’entourage de la femme et l’affaire est portée devant un vieux détecteur de sorcier ou de sorcières résidant dans le village ou dans le voisinage. Ces pratiques se font particulièrement chez les Mossi, l’ethnie dominante au Burkina Faso."

Même si le Mogho Naaba Bongo, l’Empereur traditionnel des Mossi, condamne ces pratiques, le phénomène reste complexe. Pour éradiquer ce fléau, une réaction administrative et juridique de l'Etat est indispensable. Si un centre a été construit pour accueillir les femmes chassées de chez elles, il héberge seulement 365 pensionnaires, un "pis-aller" estime François de Sales Bado. "Il traduit la démission de l’Etat dans la lutte contre l’exclusion sociale et les violences faites aux femmes en général, et particulièrement pour celles accusées de sorcellerie. Ce dont ces femmes ont besoin, c’est le respect de leurs droits et de leur dignité, c’est de retrouver leur famille et de vivre avec leurs enfants, c’est qu’il n’y ait pas d’individus et de groupes d’individus qui se permettent de faire la loi à la place de l’Etat."

Un jugement récent est encourageant pour tous les défenseurs de la dignité humaine. En effet, "le vieux féticheur et détecteur de sorciers et de sorcières a avoué publiquement devant le tribunal qu’il n’avait aucun pouvoir pour détecter des sorciers. Il a donc fait amende honorable devant le tribunal. Le jugement vient de tomber et nous envisageons de donner un grand écho à ce succès et espérons qu’il fera école.".

apic/at

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