Sœur Nazreen Daniels, de la congrégation de Loreto, est une femme cultivée. La Pakistanaise a rédigé une thèse de doctorat aux Pays-Bas. Dans son pays, elle s’est engagée dans le diocèse de Faisalabad en faveur des filles et des femmes victimes de violences.
Les vies brisées par un viol sont nombreuses, telle cette fillette âgée de huit ans. Dans une société où la virginité joue un rôle essentiel, ces jeunes filles n’ont plus rien à attendre de la vie avant même que celle-ci ait commencé. « Après la nuit de noces, le drap avec les taches de sang virginal est encore très souvent présenté publiquement. S’il s’avère que la mariée n’était plus vierge, elle est renvoyée à sa famille. »
« Les victimes de viols ne peuvent s’attendre à aucune justice. Il leur faut plusieurs témoins oculaires pour prouver un viol. Évidemment, ce genre d’acte n’est pas commis en public. La femme n’a donc aucune chance. Comment pourrait-elle prouver qu’elle dit la vérité ? », s’indigne la religieuse. Souvent, les victimes subissent un chantage qui les menace de la loi contre le blasphème. On leur dit : « Soit tu te tais, soit nous disons que tu as porté outrage au prophète Mahomet. » Comme tout le monde sait qu’au Pakistan l’outrage à l’islam peut être puni par la réclusion à perpétuité ou même la peine de mort, les victimes se taisent.
Quoi qu’il en soit, la faute revient toujours à la femme. C’est de sa faute si elle est violée, c’est aussi de sa faute si un mariage reste sans enfant. Personne n’envisagerait que la stérilité puisse venir de l’homme. « Si une femme ne tombe pas enceinte, l’homme prend une deuxième femme. La première épouse est alors traitée comme une esclave dans cette maison », raconte la religieuse. Elle connaît même un cas où une épouse a été enfermée dans l’étable avec le bétail. Pendant des années, personne ne lui a adressé la parole.
Chaque année, presque un million de femmes sont assassinées au Pakistan pour des questions d’« honneur ». Il n’est pas rare non plus que des femmes soient volontairement défigurées. On leur coupe le nez ou on leur brûle le visage à l’acide parce qu’elles ont refusé de se plier à un mariage arrangé ou qu’elles sont tombées amoureuses d’un homme non accepté par leur famille. Il n’existe pas de chiffres fiables sur la violence à domicile, puisqu’il se déroule à portes closes. Mais sœur Nazreen explique que « les femmes apprennent dès leur enfance que l’homme a le droit de les frapper et de les maltraiter. Elles se considèrent comme propriété de l’homme. ».
Sœur Nazreen ne sait que trop bien comment les hommes regardent les femmes au Pakistan. « Ils vous violent des yeux », explique-t-elle sans détours. Aussi les femmes doivent-elles se protéger en se voilant le plus possible et en n’allant jamais seule quelque part, afin d’éviter les enlèvements, encore une autre menace qui plane sur les femmes. Dans certaines régions, même les religieuses se voilent le visage.
L’extrémisme croissant de la société pakistanaise menace aussi des acquis, comme celui de l’instruction. Mgr Joseph Coutts, évêque de Faisalabad, précise que « Les extrémistes islamistes voient l’éducation des femmes d’un très mauvais œil. C’est pourquoi ils ont déjà commis dans le nord-ouest du pays des douzaines d’attentats contre des établissements d’enseignement pour filles, afin de les empêcher d’aller à l’école et de s’assurer ainsi qu’elles restent cloîtrées à la maison. ».
Au Pakistan, la dignité de la femme est surtout défendue par l’Église catholique. L’éducation scolaire pour les filles, des cours de couture pour les femmes dans les quartiers pauvres des villes, des aides concrètes pour les victimes de viols, mais aussi la propagation de la conscience que la femme est aussi une personne créée par Dieu et dotée de sa propre dignité – autant d’aides fournies par l’Église.
L’Aide à l’Eglise en Détresse dénonce, par ailleurs, la destruction illégale d’un centre Caritas, installé au nord-ouest du pays. Une maison de retraite figurait pourtant parmi ces bâtiments à vocation sociale…
Pour en savoir plus sur l’action de l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED) : http://www.kerkinnood.be/FR/home_news/default.aspx
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